La rubrique « Patrimoine de Maine-et-Loire » s’enrichit d’une étude intitulée « Approche historique des méthodes d’extraction du schiste au fil des siècles » évoquée par Jean Morlong.
Exploitation des carrières à ciel ouvert.
En l’absence de tout document écrit, il est difficile de déterminer l’origine de l’utilisation du schiste comme matériau de couverture.
L’étude portera plus précisément sur les « schistes ardoisiers exploités dans le Maine-et-Loire ».
Un écrit situe au 15ème siècle, une ardoisière à Avrillé, au lieu-dit l’Adésière. Le premier texte localisant d’une façon certaine une véritable ardoisière angevine date de 1348. Année où furent achetées à Juigné-sur-Loire des ardoises pour couvrir le château de Beaufort-en-Vallée en cours de construction. En 1349, d’autres ardoises furent achetées à Belle-Poule aux Ponts-de-Cé.
A la fin du 14ème siècle, les ardoisières étaient peu nombreuses, l’exploitation étant très précaire. Au sud de la ville d’Angers, on cite le rocher Pierre Lise et la perrière Saint-Serge. Il est fort probable que cette carrière se confondait avec celle du Pigeon, ouverte en 1376.
Du nord d’Angers, au 15ème siècle, les exploitations se sont déplacées sur la partie ouest des paroisses de Trélazé et de Saint-Barthélemy. En 1406 à Tire-Poche, paroisse de Trélazé, sur un terrain boisé appartenant à l’Hôtel-Dieu d’Angers, est ouverte l’exploitation d’une ardoisière. Ce fut la première exploitation à ciel ouvert à Trélazé. En 1437, à quelques 100 mètres de Tire-Poche, est ouverte la carrière du Bouc-Cornu, louée par les religieux de l’Hôtel-Dieu.
La remontée des blocs de schiste se faisait à dos d’hommes sur des échelles. En 1484, une carrière est exploitée à Villechien, paroisse de Saint-Barthélemy. Est mentionnée en 1491 la Chanterie qui dépendait du temporel de l’abbaye Toussaint, exploitée par le chantre de Saint-Léonard. Toutes ces carrières d’une profondeur 20 à 30 mètres étaient ouvertes dans des zones non inondables. Ainsi, au 15ème siècle, les ardoisières sont peu nombreuses, peu actives et très précaires. On était en pleine guerre de 100 ans.
Au 16ème siècle, les ardoisières prennent beaucoup plus d’importance. Il fallait satisfaire des besoins nouveaux. Plusieurs milliers d’ardoises avaient été nécessaires pour couvrir le château de Chambord.
Ouvertes sur des terrains appartenant à des communautés religieuses, les carrières étaient affermées au droit de forestage du 1/8 payable en espèce. Au fil des années, ce droit passera du 1/8 au 1/12, voire 1/13, et sur requête des exploitants, il sera supprimé par un décret royal signé par Louis XV en 1740.
L’extraction du schiste dans les carrières à ciel ouvert s’est faite jusqu’à la fin du 19ème siècle.
Catégories de personnels
C’est à cette époque que sont établies, selon leur qualification, les catégories de personnels.
Les ouvriers d’en bas ou d’à bas, les fonceurs,
Les ouvriers d’en haut ou d’à haut, les fendeurs,
Les journaliers ou manœuvres (Hottiers, bassicotiers, rouliers, principalement des enfants).
Ouverture d’une carrière
Pour ouvrir une carrière, il convenait de trouver un schiste de bonne qualité. Cette précaution se réduisait à réaliser quelques sondages. Ensuite était réalisé l’enlèvement des stériles : terre végétale, la cosse, une espèce de pierre schisteuse. Ayant atteint le schiste de bonne qualité, on réalisait une foncée d’une largeur 4 pieds (1,20 m.) et d’une profondeur de 6 à 7 pieds (2 à 2,30 m.) sur toute la longueur de la carrière.
On plantait sur une même ligne des coins ou quilles selon que l’on voulait détacher une ou plus grosse pièce de schiste. Le nombre de fonceurs était égal au nombre de quilles placées sur le banc. Armés de masse, ils frappaient tous ensemble jusqu’à ce que le bloc se sépare de la masse.
Jusqu’au milieu du 17ème siècle, la pierre était remontée à dos d’hommes ; des manèges mis en mouvement par la force animale assuraient l’épuisement de l’eau. Progressivement, la pierre, les déchets, l’épuisement de l’eau, les engins de levage sont modernisés.
La remontée de la pierre à dos d’homme est remplacée par des bassicots qui contiennent quatre hottées de pierre, la part journalière d’un ouvrier fendeur.
La dernière carrière à ciel ouvert « La Saulaie »ouverte en 1852 a cessé son activité en 1898.
Exploitation sous voûte
Pour pallier aux inconvénients de l’exploitation à ciel ouvert, en particulier l’effondrement des parois, il est décidé de mettre en application l’exploitation souterraine en « descendant sous voûte ». Méthode qui aurait été utilisée en Bretagne et au Pays de Galle. En 1838, elle est appliquée aux Grand Carreaux avec un puits foré à 30 m suivi de l’ouverture d’une voûte d’une surface de 1200 à 2000 m2 et une profondeur pouvant atteindre 100 m. L’extraction du schiste se fait par gradins comme dans les carrières à ciel ouvert.
Cette méthode d’exploitation évitait les frais considérables de la découverte d’une carrière à ciel ouvert. Mais le rocher de la voûte, plus ou moins fracturée, présentait un danger permanent pour les ouvriers « d’à bas »et cette méthode eut de funestes conséquences entraînant de graves accidents.
Exploitation en remontant
A partir de 1878, une nouvelle méthode apparaît comme son nom l’indique : on exploite les veines de schiste de bas en haut. La première opération est de creuser un puits très profond, (les plus profonds sont de 530 m au-dessous du sol). Ensuite, on réalise une collectrice et on ouvre des chambres d’exploitation où le schiste est débité par abattage de la voûte par gradins renversés. Les stériles sont laissés au sol, ce qui permet d’avoir une hauteur au sol constante et de minimiser les accidents. Les chambres sont au fur et à mesure remplies.
Exploitation par havage
En 1960 à la Pouèze et à Noyant-la-Gravoyère, un nouveau procédé d’extraction en descendant sous une voûte, entre des parois véritablement « blindées » pour assurer la sécurité, est mis au point. Le schiste est alors découpé dans de vastes chambres, au moyen d’énormes tronçonneuses appelées « haveuses –rouleuses ».
Article de Jean Morlong
Jean Morlong est président d’honneur de l’AMOPA de Maine-et-Loire et commandeur des Palmes académiques. Proviseur honoraire, il est notamment connu pour ses conférences sur les ardoisières et ses visites du site ardoisier de Trélazé.