L’AMOPA de Maine-et-Loire à la barre du tribunal.

Un groupe fort nombreux de la section de l’AMOPA de Maine-et-Loire se rassemblait aux marches du palais, pour une journée consacrée à la découverte du tribunal judiciaire d’Angers. Son président M. Benoît Giraud, en personne, assisté de son chef de cabinet, M. Albéric Baumard, nous accueillaient. La matinée fut consacrée à un exposé-débat sur le fonctionnement de la justice en France. Il fut suivi d’un déjeuner pris en commun dans une ambiance très animée, avant que le groupe ne revienne au palais de justice pour assister à des audiences correctionnelles dont l’une était plus spécialement consacrée aux comparutions immédiates.

Benoît Giraud. Cliché Amopa 49 Sébastien Marinot.

Henri-Marc Papavoine s’adressait tout d’abord au président Benoît Giraud pour le remercier de son invitation en soulignant l’intérêt de cette visite dans le contexte d’une actualité judiciaire très chargée tant sur le plan national que régional. Le fonctionnement du procès pénal est souvent méconnu, voire inconnu. Et le président de section de conclure en ces termes : « Nul n’est censé ignorer la loi. Alors, expliquez-nous ! ».

Sur ce, le président du tribunal a ouvert les débats.

L’attention des participants s’est portée sur le bâtiment qui abrite le palais de justice inauguré en 1864, dont le style gréco-romain nous renvoie aux sources du droit antique. Dans la salle d’audience où nous étions réunis, un vestige de la justice de l’Ancien Régime nous rappelait que les « Gens du Rois » se tenaient à l’écart sur une estrade entourée d’une barrière, ce qui a donné naissance au « parquet » pour désigner les magistrats du Ministère Public, les seuls titulaires de l’opportunité des poursuites. Les signes du passé nous indiquent que notre justice est millénaire. On le voit jusque dans le costume judiciaire : le noir exprime la justice exercée à l’origine par des ecclésiastiques tandis que le rouge fut la couleur de la justice déléguée par le roi.  

Palais de justice d’Angers. cliché Amopa 49 Henri Papavoine.

Le palais de justice accueille non seulement le tribunal judiciaire mais aussi la cour d’appel qui examine les recours contre les décisions rendues par les tribunaux de première instance de Maine-et-Loire, de la Mayenne et de la Sarthe. Les tribunaux judiciaires sont nés de la réforme du 23 mars 2019 qui est à l’origine de la refonte des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance. L’activité du tribunal judiciaire d’Angers recouvre les trois quarts des affaires traitées en Maine-et-Loire, le reste relevant de la compétence du tribunal judiciaire de Saumur (à l’exception de la justice des mineurs et des affaires criminelles traitées au sein du pôle départemental à Angers). Les effectifs du tribunal se composent de 35 magistrats du siège, 11 magistrats du parquet et 130 greffiers. Tous personnels confondus, le palais de justice d’Angers emploie 250 personnes qui travaillent sur quatre niveaux et parfois tardivement en soirée.

A l’origine, la justice est d’abord une vertu tout comme la prudence, la force ou la tempérance. Elle exerce une sorte de transcendance qui en fait un métier à part. Servitude et grandeur du métier judiciaire. Qu’ils soient du siège ou du parquet, les magistrats sont-ils vraiment indépendants ? Ils sont tenus à un devoir d’impartialité associé à l’obligation déontologique de réserve et de discrétion. Il s’agit d’une discipline personnelle qui tend à produire une décision dont le raisonnement juridique est aussi objectif et irréprochable que possible, sans se laisser influencer par ses opinions et ses convictions. A partir d’un dossier, l’acte de juger consiste à transformer le droit en justice. C’est ce que l’on appelle la vérité judiciaire.

Dans notre société, la demande de justice est immense. En témoignent les statistiques exponentielles des juridictions. On attend beaucoup d’une justice qui doit rester au-dessus des parties et des préjugés. Les magistrats ne sont pas les propriétaires de l’autorité qu’ils exercent au nom du peuple français mais ils sont investis d’une mission de régulateur social, indispensable pour préserver la cohésion de la société par le règlement pacifique des conflits. Les membres de l’AMOPA ont voulu en savoir plus sur les modes de recrutement et le cursus de formation des magistrats qui – outre leurs dispositions personnelles – doivent commencer par acquérir une solide formation en droit avant de rejoindre l’école nationale de la magistrature à Bordeaux. On a souligné à cet égard, l’importance de la relation qui existe entre la justice et l’université.

Salle d’audience. Cliché Amopa 49 Sébastien Marinot.

Entre le juge et le justiciable, il y a dans la salle d’audience, l’espace de la loi dont il faudra extraire une décision appliquée à un cas particulier, au terme de débats tenus en audience publique. Le procureur doit faire preuve de discernement, instruire à charge et à décharge pour contribuer à la manifestation de la vérité. Derrière le rempart du droit et du raisonnement juridique, deux grands principes ont interpellé l’assistance : la présomption d’innocence et le double degré de juridiction.

Les grands principes de l’organisation judiciaire reposent sur la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) dont la théorie a été élaborée par Montesquieu (1689-1755) et reprise dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. De cette organisation résultent d’autres règles fondamentales qui ont été évoquées au cours des débats : le droit à un procès équitable, le respect du contradictoire, les garanties procédurales (notamment pour les étrangers qui ont besoin d’être assistés d’un interprète), l’abolition ou l’altération du discernement au moment de la commission des faits, la publicité des débats, le huis-clos, les droits de la défense, le recours à l’aide juridictionnelle, le droit de pouvoir accéder à son dossier, de même que la motivation des décisions qui doit permettre de comprendre pourquoi une condamnation a été prononcée. Autant de sujets qui ont suscité nombre de questions sur le fonctionnement de la justice au quotidien.

Salle d’audience. Cliché Amopa 49 Sébastien Marinot.

L’un des participants questionnait les symboles de la justice, souvent représentée sous les traits de la déesse grecque Thémis, avec un bandeau sur les yeux (impartialité), la balance dans une main (équité) et le glaive (sanction) dans l’autre main. M. Albéric Baumard faisait observer qu’il ne faut pas s’y méprendre : derrière cette image d’Épinal, la justice n’est pas « hors sol » ; elle est bien inscrite dans les réalités de la vie et de la société dont elle suit les évolutions. On a pu évoquer dans ce registre le rôle de la jurisprudence qui vient infléchir l’application du droit pour tenir compte de faits marquants. Par exemple, les arrêts du 8 octobre 2025 par lesquels la chambre sociale de la Cour de cassation a affirmé le droit reconnu aux salariés qui pratiquent le télétravail d’accéder aux titres-restaurant en vertu du principe selon lequel le salarié en télétravail bénéficie des mêmes droits que celui travaillant dans les locaux de l’entreprise.

Et pendant que nous devisions sur le pourquoi et le comment de la justice, dans cette salle où nous étions réunis, la cour d’assises fonctionnait, le juge aux affaires familiales prononçait un divorce, le juge des enfants plaçait un mineur en danger, le juge d’instruction procédait à un interrogatoire, le juge d’application des peines accordait une libération conditionnelle. Nous prenions soudainement conscience de ce que le palais de justice était comme une ruche dont le travail incessant contribue à adoucir les relations humaines pour affirmer notre civilisation contre les outrances de la sauvagerie. 

A l’ordinaire, chacun d’entre nous est absorbé par les circonstance quotidiennes qui sont loin des lieux de justice. Grâce à l’AMOPA de Maine-et-Loire, nous avons ouvert la porte d’un univers qui nous sera désormais plus familier. Saluons ici l’esprit d’ouverture de notre président qui a permis à la section de Maine-et-Loire de réaliser une sortie insolite dont Martine Papavoine fut la parfaite organisatrice. Qu’ils en soient l’un et l’autre, remerciés. S’il en était besoin, cette expérience judiciaire est la démonstration que nos actions, nos projets et nos rencontres sont toujours un enrichissement mutuel.

Des participants donnent leur avis :

  • Cette visite du tribunal judiciaire vient combler un vide dans notre citoyenneté. En effet, nous sommes à la fois fascinés et ignorants de cette grande institution dans laquelle exercent des professionnels qui œuvrent dans un cadre très précis et très technique. Les explications claires des différents intervenants ont permis de lever un peu le voile. Merci à eux.
  • Pour ma part j’ai trouvé cette visite passionnante. L’AMOPA a toute sa place dans ces rencontres un peu hors norme et typiques de nos attentes sans doute. La présence du Président du tribunal et de son chef de cabinet, les commentaires d’Alain Leroux ont donné toute la dimension spécifique et heureuse de notre association.
  • Un grand merci à vous ! La visite fut très appréciée ! 
  • Journée très intéressante ce qui nous permet de mieux connaître les instances judiciaires.
  • Nous avons trouvé cette journée très enrichissante. Elle nous a permis une « remise à niveau » de nos connaissances quant au fonctionnement de la justice. Pour nous, néophytes en la matière, l’après-midi passé dans la salle des comparutions immédiates a été également un moment fort. Nous avons été impressionnés par les débats et les échanges respectueux entre les juges et les prévenus et tant de misères humaines.
  • Je ne sais comment vous exprimer le bonheur personnel de m’être retrouvé avec les amopaliens et amopaliennes du 49 ce lundi au Tribunal Judiciaire puis au restaurant. Comme cela fait du bien d’être réunis entre fils et filles de la même mère (Éducation Nationale) par les temps qui courent ! J’ai été très impressionné par la gentillesse, la convivialité, l’ambiance apaisée, le dialogue détendu avec tous les participants. Chez Amopa49, il y a véritablement un esprit de famille et beaucoup de respect pour les uns et pour les autres. Vous êtes l’auteur de ce contexte très positif et encourageant.

L’auteur de cet article :

Alain Leroux est Avocat général près la Cour d’Appel (Honoraire). Auteur de plusieurs publications, il a occupé de nombreux postes au ministère de l’Intérieur et au ministère de la Justice. Il est chevalier des Palmes académiques et membre de l’AMOPA.

Crédit photographie : Sébastien Marinot. Amopa 49.

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