Les migrations bretonnes à Trélazé (1860-1920) par Jean Morlong, AMOPA de Maine-et-Loire.

Jean Morlong, Président d’honneur de la section de Maine-et-Loire de l’AMOPA, présente cette fois-ci un épisode marquant de la vie de Trélazé : les migrations bretonnes entre 1860 et 1920. Cet article fait suite à plusieurs autres parus dans la rubrique « Patrimoines en Maine-et-Loire », consacrés à ces pages d’histoire et des techniques qui ont marqué la région d’Angers. Jean Morlong s’attache ici aux liens entre les ardoisières et les migrations venues de Bretagne et dresse un portrait des situations tumultueuses qui ont existé.

Situation économique de la Bretagne au milieu du 19ème siècle.

Dans la seconde moitié du 19ème siècle, la Bretagne connaît une forte poussée démographique ; la production agricole ne suffit pas à nourrir sa population. Outre le surpeuplement rural, certaines activités industrielles ou commerciales connaissent une grave crise économique. Nombreux sont les Bretons sans travail, sans ressources financières, qui se retrouvent dans la misère. Incertains de leur avenir, ils sont nombreux à prendre leur baluchon et à s’engager sur le chemin de l’immigration. Les ardoisières de Trélazé sont l’une de leurs destinations. La publication de l’ordonnance royale de 1823 et le règlement de 1825 mettant fin aux privilèges que s’étaient octroyés les fendeurs, plus rien ne s’opposait au patronat pour recruter une main d’œuvre à bon marché. Au cours des années qui ont suivi la mise en application du règlement de 1825, des Bretons originaires de Haute-Bretagne (Ille-et-Vilaine, Loire-Inférieure) sont venus s’installer à Trélazé ; c’était le fait d’ouvriers isolés et de quelques familles.

Les campagnes menées par de la Commission des Ardoisières pour le recrutement des travailleurs bretons.

L’arrivée des Bretons. J. Thomé. Collection de l’auteur.

Lors de la crise économique de 1848, la Commission des Ardoisières avait licencié un tiers de son personnel. La révolte de la Marianne en 1855 et l’inondation de juin 1856 eurent pour conséquence qu’un certain nombre d’ouvriers abandonnèrent l’industrie ardoisière pour un autre travail, mieux rémunéré, moins pénible, moins dangereux.

En 1858, la demande d’ardoises ne cessant de croître, la main-d’œuvre fait défaut.  Ce manque de main d’œuvre incite le patronat à profiter du flux breton d’immigration et de diriger vers Trélazé une main-d’œuvre bon marché et docile. La première campagne de recrutement fut lancée en 1860 et d’autres campagnes furent mises en place quand des besoins de main-d’œuvre se sont avérés nécessaires : 1880, 1904, 1920. La première s’adresse aux populations rurales de Bretagne où de nombreux jeunes paysans célibataires ou mariés se trouvent démunis et incertains de leur avenir. Des courriers sont adressés par le Directeur de la carrière des Fresnais aux  Maires de communes rurales du  Morbihan et d’Ille-et-Vilaine où sont décrits les avantages économiques et sociaux pour ceux qui viendraient travailler aux ardoisières de Trélazé : un salaire deux fois plus élevé que celui gagné au pays, la prise en charge des frais de transport, des logements assurés avec un faible loyer et des embauches des enfants de plus de dix ans avec la gratuité scolaire.                                                   

Partis avec l’espoir au cœur de trouver des conditions de vie meilleures, ces premiers migrants, seuls ou accompagnés d’une épouse et leurs bambins, ne trouvent pas la douceur angevine en arrivant à Trélazé. Pour s’installer, ils ont eu à vaincre toutes sortes de difficultés : en majorité analphabètes, ils ne parlent que le breton. Ils ont appris quelques mots utiles de français, une sorte de viatique linguistique et il leur reste à prier Dieu. Venant d’un monde rural, non-initiés aux travaux ardoisiers, métiers rudes et inégalitaires, ils découvrent les salaires qui varient selon la catégorie à laquelle l’ouvrier ardoisier appartient. Ces premiers migrants, sans aucune qualification professionnelle, sont employés comme manœuvres non qualifiés, affectés aux travaux « d’A-bas » les plus pénibles, salissants, dangereux.  Les salaires perçus sont un peu plus élevés qu’en Bretagne mais en dessous de ceux qui avaient été annoncés. Les logements mis à disposition par l’employeur sont situés dans des îlots les plus disparates, pour certains dans des zones humides : La Porée, le Buisson, le Vieux Malaquais, les Longs Boyaux, la Roé, l’Enfer, les Favreaux. Véritables taudis, inconfortables, exigus, inconfortables, sans aération, peu visités par le soleil, les familles s’y entassent les unes sur les autres, les immondices étant jetées au large des portes du logement ou dans la cour. Les fosses d’aisances sont collectives et implantées à l’extérieur des logements. L’eau est puisée dans des puits.

A noter l’incurable malpropreté qui était courante en Bretagne. Lorsque des célibataires ne trouvent pas à se loger, ils habitent chez leurs compatriotes comme pensionnaires et l’on s’entasse en partageant les lits. Dans ces conditions précaires où l’hygiène corporelle est négligée, les maladies infectieuses se développent. Les nourrissons sont régulièrement atteints de la cholérine (genre de choléra), de la diphtérie, de la typhoïde, de la tuberculose. Ces maladies ont eu raison des organismes mal nourris ; la mortalité infantile est massive. L’alcoolisme fait aussi des ravages. Ce sous-prolétariat, durant quelques décennies, paie un lourd tribut au développement des ardoisières.

Localement, les immigrants sont considérés comme des parias arrivés de la campagne, voleurs d’emplois, appelés « Pigroliers ». On leur reproche d’être sales, insouciants et imprévoyants devant le danger sanitaire qu’ils représentent en véhiculant des maladies comme la tuberculose. Ils traînent avec eux une réputation d’alcooliques. Leur résignation à accepter de faibles salaires est mal vue car elle conforte les refus du patronat lors des grèves où sont revendiquées des augmentations de salaire.

La méconnaissance du français est l’obstacle majeur à une intégration rapide. Les hommes au travail en contact avec les Trélazéens finissent par apprendre quelques mots de français mais leur langage est difficilement compréhensible. La langue maternelle, le breton, reste en usage dans le milieu familial et entre compatriotes. L’inimitié des autochtones, les pénibles conditions de travail ne les incitent pas à s’implanter à Trélazé. Dès que l’opportunité se présente de trouver de meilleures conditions économiques et un travail moins éprouvant, ils n’hésitent pas à se déplacer vers d’autres d’horizons ; souvent vers Paris haut lieu de l’immigration bretonne, Paris qui les attire. Seul un petit nombre se sédentarise à Trélazé. Cette première campagne est donc un échec pour le patronat.

Après 1880, la Commission entreprend des campagnes de recrutement différentes de celles entamées en 1860. Des émissaires sont envoyés en Bretagne, en particulier dans le Finistère, où les exploitations sont situées dans la région de Châteaulin et le long du Canal de Nantes à Brest. Ces exploitations connaissent de grosses difficultés, les gisements de schiste étant en phase d’épuisement. Les mines de plomb argentifère de Poullaouen arrêtent leur activité en 1883. La Commission entend également profiter du savoir-faire, non seulement des Finistériens, mais aussi des carriers du Morbihan et des Côtes-du-Nord, et s’assurer de l’arrivée d’ouvriers qualifiés attachés au métier, ne nécessitant pas ou peu de formation, avec l’espoir de pérenniser leur implantation.

De 1885 à 1890, les Bretons arrivent en masse à Trélazé. En 1892, ils représentent plus de 20% des habitants de la commune. Un vieux quartier est situé entre la ligne de chemin de fer et le cimetière. A l’extrémité du bourg de Trélazé vers 1870 sont construites 38 maisons basses avec des déchets ardoisiers alignées pour une partie en chaînes simples et le reste en doubles. Ces logements offrant une meilleure salubrité sont destinés à accueillir des migrants bretons. Dans un premier temps, ce nouveau quartier est dénommé : « Cité Verrière » mais les Trélazéens très vite l’ont baptisé « La Petite Bretagne ». Au début du 20ème siècle, les maisons sont surmontées d’une mansarde et d’un grenier.

Lorsque les ardoisières rencontrent des difficultés économiques avec des périodes de chômage, les journaliers bretons sont les premiers à être licenciés et ils quittent Trélazé.  Inversement, lorsque des crises économiques frappent la Bretagne, la Commission répond aux souhaits des autorités bretonnes et met tout en œuvre pour embaucher des personnes sans travail.

Les Lorientais sont repartis chez eux. Le Petit courrier du 12 novembre 1911. Archives départementales de Maine-et-Loire.

Au plus fort de la crise sardinière de 1913, les recruteurs de la Commission se sont rendus dans les ports de Lorient et de Concarneau pour recruter des pêcheurs sans emploi. Un journaliste du Petit Courrier rapporte les propos d’un Lorientais : « On nous avait promis à notre arrivée un bon lit et un repas. Le lit consistait en une couche de paille étendue sur le sol et le repas tout simplement un morceau de pain, un peu de beurre et du pâté. On nous avait dit que nous gagnerions 5,50 Fr. par jour, nous avons appris qu’on obtiendrait 4 Fr. pour 10 heures de travail. ». Informés par le syndicat que les personnels sont en grève, ne voulant pas jouer les briseurs de grève, les Lorientais refusent de travailler et demandent à être rapatriés, mais le patronat refuse. Devant ce refus, le syndicat assure leur subsistance et leur hébergement dans les familles d’ardoisiers. Finalement, leur rapatriement est pris en charge par l’administration préfectorale. Après quelques journées de présence au fond de la mine, les Concarnois se rendent compte de la rudesse des tâches qu’on leur impose, avec un salaire inférieur à celui promis. Soutenus par le syndicat, ils décident de repartir chez eux sans travail.

La mobilisation de 1914 entraînant une pénurie de main d’œuvre pousse la Commission à envoyer des émissaires dans les Monts d’Arrée et la Montagne Noire proposer du travail aux enfants des veuves de guerre bretonnes ; elles refusent la plupart du temps. Une poignée d’adolescents sont néanmoins ramenés à Trélazé. La Commission fait aussi appel à de la main-d’œuvre espagnole ; quelques familles de ces migrants espagnols resteront à Trélazé la guerre terminée. Durant la guerre de 1914 – 1918, des ateliers sont spécialement construits pour des femmes dont des Bretonnes. Après une rapide formation, les plus douées sont employées comme fendeuses ou rondisseuses. Celles ayant moins de dextérité se voient confier une tâche de manœuvre, rouleuses, qui consiste à pousser un chariot contenant des ardoises et à les amener dans un canton où elles sont stockées. D’autres réalisent l’affûtage des scies.

Femme réalisant le travail d’un roulier. J. Thomé. Collection de l’auteur.

Une dernière vague migratoire intervient dans les années 1920 pour faire le plein des effectifs. Venus en Anjou avec leur famille, souvent nombreuse, beaucoup font souche à Trélazé. En 1926, la population comportait 6586 habitants dont 47 à 48% de Bretons. Les démarchages effectués par les recruteurs, commis de la Commission des Ardoisières en Bretagne, sont terminés dès 1925. Cependant des ouvriers ardoisiers provenant des exploitations de Haute-Bretagne et du sud de la Mayenne viennent se faire embaucher à Trélazé, ayant la connaissance du métier, fendeurs ou mineurs. Ils parlent couramment le français.

Les conflits entre les aumôniers bretons et le clergé paroissial.

Connaissant pas ou peu le français, considérés comme étrangers, tout concourt à marginaliser les migrants bretons. S’est alors posé un problème pour le clergé local : comment communiquer avec ces nouvelles ouailles, déracinées socialement et culturellement ? comment les intégrer dans les structures ecclésiastiques de la paroisse ?

Avant l’arrivée massive des Bretons, quelle était la vitalité religieuse de la paroisse ? En 1860, plus des 2/3 de la population fait défection à l’obligation d’assister à la messe dominicale et néglige la communion pascale. On reste attaché aux rites de passage : baptême, catéchisme, première communion, mariage, sépulture qui sont majoritairement religieux. En 1836, la procession de la Saint-Lézin, patron des ardoisiers, est reprise et regroupe jusqu’à 2000 participants, mais un nombre important d’hommes reste à l’extérieur de l’église durant la célébration de la messe. Cette procession en 1903 et en 1904 est alors chahutée par des anarchistes ; elle ne fut pas reconduite les années suivantes. Outre les activités cultuelles, on ne trouve trace ni d’œuvres de jeunesse ni de société paroissiale pour les hommes.

Territorialement, comment se présente la paroisse de Trélazé ? La paroisse se confond avec tout le territoire de la commune, le bourg avec sa mairie, son église, son cimetière, son presbytère. En 1876, le bourg ne compte que 440 habitants sur 5214 pour l’ensemble de la commune. La zone ardoisière coupe la commune en deux parties. L’essentiel de la population réside au sud-ouest de la zone ardoisière dans les quartiers suivants : la Pyramide, la Maraîchère, Bel-Air, Saint-Lézin, les Tellières. Zones d’habitations éloignées du bourg de deux à trois kilomètres.  

Une démarche angevine auprès de l’évêque de Quimper est entreprise pour le venue d’un prêtre breton à Trélazé. Bien que conscient de l’insuffisance des besoins, ou par méfiance, l’Évêque d’Angers apporte un refus à la venue d’un prêtre étranger au diocèse. En 1867, la chronique paroissiale de Trélazé mentionne l’intervention d’un jeune Jésuite Hyacinthe Nédélec, missionné pour évangéliser les ouvriers bretons. Tous les dimanches, il est présent à la chapelle Saint-Lézin pour chanter les vêpres, prêcher, visiter les malades.

En 1875, un autre Jésuite prend le relais de Nédélec. En 1880, la mission des Jésuites prend fin par suite du décret de Jules Ferry excluant les congrégations religieuses de l’enseignement. Les Jésuites jouissaient d’une certaine indépendance par rapport au curé de Trélazé, ce qui évitait bien des frictions. Sur incitation de la Commission, Mgr. Freppel, évêque d’Angers, s’adresse à son confrère de Saint-Brieuc et l’informe de la situation des immigrés bretons à Trélazé. En 1883 est nommé vicaire, comme aumônier des Bretons de Trélazé, l’abbé Durand qui fait tous les efforts possibles pour être agréable à ses compatriotes. Il les aide par des aumônes. Le zèle du prêtre est apprécié par la Commission qui le récompense par une gratification de 600 Fr. Le dimanche, il célèbre une messe en latin, avec un prêche et des cantiques en breton.

Le zèle de l’abbé Durand n’est pas apprécié du père Marais, curé de la paroisse, qui reproche à son vicaire de négliger la pastorale de la paroisse et aussi de ne pas intervenir sur le refus des Bretons de payer les chaises de l’église. Ils restent debout durant toute la durée des offices (Fait habituel en Bretagne). Par représailles, le curé supprime la messe destinée aux Bretons. Un autre problème surgit : le gouvernement supprime le traitement des vicaires. Les revenus de l’abbé Durand tombent à 600 Fr. par mois. Il est dans l’impossibilité d’assurer l’aide qu’il apporte aux malheureux émigrés qui subissent, comme tous les ardoisiers durant la crise économique des années 1888-1889, les méfaits de celle-ci. La mévente des ardoises se traduit par des périodes de chômage, accompagnées de licenciements dont sont victimes en majorité les infortunés Bretons, journaliers aux ardoisières. Ce qui ne fait qu’accentuer la misère dans laquelle ils vivent. Privés de travail de nombreux immigrés ont regagné Paris et la Beauce.

Un espoir d’aller faire fortune en Argentine 1888-1889.

L’Argentine se passionne pour ses racines européennes. Cliché Slate.

Fin septembre 1888, l’abbé Durand prend connaisse d’une information parue dans un journal. L’article est titré « La Colonisation » et lui a été adressé par des Jésuites installés au Paraguay. Cet article indique que la République argentine souhaite la venue de 45000 personnes. Porteur de cette information, l’abbé Durand visite les familles et les engage à immigrer en Argentine. Dans le même temps, on apprend qu’un nommé Le Bris, ancien instituteur révoqué du Morbihan, joue localement le rôle officieux d’agent de la Banque Nationale de Colonisation d’Argentine. Il touche 5 Fr. par volontaire recruté pour l’exode en Argentine.

D’importantes réductions des prix sont accordées pour le voyage, avec un embarquement à Bordeaux. Le Maire de Trélazé, J. B. Fourcault, mis au courant de cette publicité et des encouragements à immigrer en Argentine par l’abbé Durand, adresse une lettre au Préfet pour l’informer de la démarche du prêtre et de demander au gouvernement : « Quel degré de confiance doit-on accorder aux promesses qui sont faites par Le Bris ? et même si rien dans l’intérêt national ne s’oppose à la délivrance de certificats ou autres pièces administratives pouvant servir au but en question. » Le Ministre de l’intérieur fait savoir au Maire : « Que nul ne peut intervenir dans les affaires d’immigration sans être muni d’une procuration notariale d’une agence autorisée par le gouvernement. » Le Bris est donc coupable d’engagement illicite dans cette affaire d’immigration.

Le premier départ a lieu le 13 novembre 1888, avec un embarquement à Bordeaux et comporte 100 ouvriers carriers bretons et leur famille, accompagnés de Le Bris qui s’exile. Ayant eu connaissance de ce premier départ, le Directeur de la Sûreté adresse au Préfet une lettre où il s’étonne qu’il n’ait pas fait déférer au Parquet, Le Bris, pour engagement illicite d’immigration.  S’en suit une enquête de gendarmerie qui conclut que l’abbé Durand est le personnage central de l’affaire. Le Bris n’a été que l’agent et l’instrument de l’abbé Durand qui a lancé cette opération d’immigration pour jouer un mauvais tour au curé de Trélazé et en même temps être agréable aux Jésuites installés au Paraguay. L’abbé Durand quitte Trélazé, à l’insu du curé et de l’évêque d’Angers. Il regagne les Côtes-du-Nord, l’évêque de Saint-Brieuc l’ayant nommé curé de Montallot.

Pour autant, les départs continuent : 53 le 30 décembre 1888, 106 dans le courant du mois de janvier 1889. Depuis le départ de Le Bris, c’est un nommé Corentin Martin qui se dit être le correspondant de l’antenne de l’agence de l’immigration. Il prétend se borner à distribuer des brochures aux candidats à l’immigration et à leur donner des renseignements sur les conditions d’embarquement à Bordeaux pour atteindre Buenos-Aires. Et cela, il le fait sans percevoir la moindre indemnité bien que la police ait du mal à le croire.

27 février 1889 : Rapport du Commissaire spécial de police adressé au Préfet : « Un nouveau départ d’immigrants pour la république d’Argentine se prépare en ce moment à Trélazé et les environs. On parle de plus en plus de cent personnes, le mouvement continue malgré les renseignements peu encourageants fournis par les premiers partis. L’un d’eux a écrit en effet qu’ils étaient aussi malheureux là-bas qu’à Trélazé ; la vie était extrêmement chère et les dépenses d’entretien étaient à des prix exorbitants. Il est vrai que depuis quelques temps à Trélazé, le travail des carrières ralentit terriblement. Toutes les semaines, un certain nombre d’ouvriers sont renvoyés. Les migrants ne s’adressent plus à l’agence de Paris pour avoir des renseignements, c’est actuellement à un nommé M. Colson demeurant à Bordeaux, cours du Chapier-Rouge N°12, se disant de L’Agence d’immigration. »

Cette immigration massive inquiète Aimé Blavier, Sénateur, Maire d’Angers et Président de la Commission des Ardoisières. Il engage Mgr. Freppel, député, à appeler l’attention du gouvernement sur les mesures à prendre en vue de prévenir l’extension de ce mouvement migratoire.

Service médical et dispensaire des ardoisières. Cliché Archives départementales de Maine-et-Loire.

Le 8 mars 1889, le Commissaire spécial de Police adresse un nouveau rapport où il signale un nouveau départ pour l’Argentine de 96 migrants. Ce fut le dernier départ massif. Durant les mois d’avril et mai 1889, il y eut bien quelques départs individuels. Le 18 avril 1889, le gouvernement, tirant les enseignements de cette affaire, impose aux Préfets la publication au recueil des actes administratifs de ces informations, afin que les Français tentés par l’aventure d’immigration en Amérique du sud sachent bien à quoi ils s’exposent. On estime que c’est au moins 400 ouvriers Bretons qui ont immigré en Argentine mais on n’a jamais su ce qu’ils sont devenus.

L’aumônerie des Bretons.

Depuis le départ de l’abbé Durant, le curé Marais se rend compte que les Bretons échappent à son influence, surtout pour les confessions, et un bon nombre d’entre eux délaissent leur pratique religieuse. Le milieu ambiant du travail est loin d’être une école de sainteté. Ces pauvres Bretons sont l’objet de risées et de moqueries pour leurs pratiques religieuses. A force d’entendre dénigrer sans cesse la religion, il existe un risque qu’ils finissent par ne plus assister aux offices.

Pour trouver un autre prêtre breton, Mgr. Freppel entreprend des démarches auprès de ses collègues des diocèses bretons, sans succès dans un premier temps. Finalement, après un an d’absence d’un aumônier breton, le 1er septembre 1889 est installé comme vicaire un prêtre venant du diocèse de Quimper : l’abbé Colin. La Commission des Ardoisières prend en charge une partie de son traitement, soit 600 Fr. Un complément de 400Fr. est donné par une autre personne, mais l‘abbé Colin, n’a pas droit au casuel. (Le casuel est une rétribution accordée au cas par cas au clergé pour l’exercice de certains ministères : baptêmes, bénédictions, funérailles, mariages ou encore lors des quêtes). L’entente entre le curé Marais et son vicaire est loin d’être cordiale. Comme pour l’abbé Durant, il lui est reproché de ne pas s’investir pleinement dans la pastorale de la paroisse. En particulier, il refuse de s’investir dans le fonctionnement du patronage. Au mois de septembre 1893, il retourne dans son diocèse. Il est remplacé par l’abbé Le Gall, lui aussi venant du diocèse de Quimper. Le 7 octobre 1894, le curé René Marais est remplacé par l’abbé Jules. L’abbé Le Gall n’ayant pas trouvé une entente avec le curé Galard quitte à son tour Trélazé pour retrouver son diocèse de Quimper.

Après une vacance d’un an, la Commission et l’évêché de Quimper se mettent d’accord pour obtenir du curé de Trélazé que le prêtre breton appelé à s’occuper de la pastorale des immigrés bretons, ne soit plus rattaché à la paroisse de Trélazé en tant que vicaire. Considéré seulement comme aumônier des Bretons, la Commission se charge de le loger et de prendre en charge son traitement. Le patronat considère que les œuvres bretonnes sont un moyen de faciliter le recrutement de la main-d’œuvre et de la maintenir à l’écart des mouvements revendicatifs et des grèves déclenchées par les anarcho-syndicalistes.

En septembre 1895 succèdent à l’abbé Le Gall : les abbés Le Foullet (1895-1897), Prigent (1897-1909), Didon (1909-1919). Les aumôniers bretons entendent maintenir leurs congénères dans leurs pratiques religieuses, leur culture. Ils restent attachés à leur langue maternelle, le breton. Ceux qui ont fréquenté les écoles ont appris plus ou moins bien le français. Ils ne s’en servent que dans les cas de nécessité. Une autre raison est avancée pour justifier l’existence d’œuvres bretonnes séparées, c’est la difficile entente avec les autochtones. Elle est liée à une différence de caractère avec la considération d’une supériorité des non-bretons de se trouver en présence d’individus perçus pour la plupart comme alcooliques, attardés et résignés, sans réaction en face des conditions de travail qu’on leur impose.

En contrepartie de l’autonomie bretonne, le curé Galard sollicite des aides auprès de la Commission des Ardoisières et de notables angevins pour la création d’activités non religieuses afin de retenir les jeunes et les adultes pratiquants, mais aussi pour attirer les non pratiquants. Un patronage est créé en 1886 pour les jeunes, un jeu de boule de fort, appelé « Notre-Dame des Carrières », est construit en 1887. En 1903, on ouvre une école privée pour filles, après la laïcisation de l’école publique dénommée « École René Montrieux », président de la Commission. En 1904, le vicaire Emeriau fonde une fanfare, une société de gymnastique et un club de football « l’Espérance de Trélazé ». Est aussi créé un cercle d’hommes installé dans le presbytère, propriété de la commune. Des conférences apologétiques y sont prononcées. Des séances du catéchisme et le regroupement du patronage s’y tiennent.

Toutes ces activités paroissiales ont pu être obtenues avec l’appui financier de la Commission des Ardoisières. Le lien entre la Commission et la paroisse est symbolisé par la construction d’une chapelle sur un terrain appartenant à l’entreprise dans le quartier de Bel-Air. L’évêque d’Angers, Mgr. Rumeau décline l’offre de venir donner sa bénédiction à la pose en 1904 de la première pierre de la chapelle. Ce refus fit dire au curé Galard : « Les évêques d’Angers ont toujours eu peur de la mouvance des ouvriers ardoisiers ». Ouverte au culte en 1908, considérée comme chapelle de secours, y sont surtout célébrés les offices destinés aux Bretons. Les autres cérémonies religieuses se maintiennent à l ‘église paroissiale, située environ à trois kilomètres du quartier de Bel-Air.  Ce n’est qu’après les années 1950 que baptêmes, mariages, obsèques ont pu se dérouler dans la chapelle de Bel-Air.

S’appuyant sur la loi de 1905 (Séparation de l’église et de l’État), la municipalité socialiste élue en 1908 expulse du presbytère le curé, interdit les processions sur le domaine public. Grâce au soutien financier de Mme Blavier-Montrieux, veuve d’Aimé Blavier, un nouveau presbytère est construit dans le bourg de Trélazé.

En 1909, l’abbé Prigent est remplacé par l’abbé Didon mais des questions délicates restent en suspens, en particulier celle du catéchisme. Consciemment ou non, l’abbé Didon, nouvel aumônier breton, réunit dans son appartement les enfants nés de parents bretons pour y faire le catéchisme en breton, prétendant que le breton et la foi sont bien frère et sœur dans la culture bretonne. (Ar brezezoneg hag, zo breur ha c’haroar e Breiz).

Inéluctablement, le français progresse dans les jeunes générations, même si le breton reste la langue familiale. Le curé Galard intervient auprès de son confrère breton en justifiant que les écoliers bretons se retrouvent à l’école avec les jeunes Trélazéens et que le français se développe chez ces jeunes. Leur regroupement à l’église pour l’enseignement du catéchisme ne poserait aucun problème. Un instituteur laïc dénonce cet enseignement alors que la loi de du 28 mars 1882 l’interdit. Finalement tous les enfants en âge d’aller au catéchisme se retrouvent réunis dans l’église paroissiale.

En 1903, l’abbé Prigent, aumônier des Bretons, lance l’idée de mettre à leur disposition un jeu de boule de fort couvert. L’abbé Didon revient à la charge auprès de la Commission et en 1910 le jeu de boule « La Bretonne » est inauguré. En 1908, le jeu de boule paroissial « Notre-Dame des Carrières » ayant été construit en bordure d’un vieux fond, une partie d’un pan de mur s’effondre. L’abbé Galard, curé de Trélazé, intervient alors auprès de la Commission en se plaignant du favoritisme accordé aux Bretons qui venaient de recevoir un jeu princier alors que ses paroissiens s’impatientaient et s’en allaient vers d’autres sociétés plus ou moins socialistes. Il fait remarquer que : « Pas un de nos sociétaires n’a participé à la récente grève déclenchée dans votre entreprise, ils sont tous pour le respect de l’ordre. » Quelques temps après cette requête, le jeu de boule est remis en état d’être fréquenté. Durant la longue grève de 1913, des Bretons, passant outre les consignes de leurs aumôniers, suivirent le mouvement. Durant les meetings, l’un d’eux qui maîtrisait le français traduisait les discours en breton.

En septembre 1913, le curé Jules Galard démissionne. Il est remplacé par l’abbé Alix Maugeais, un intellectuel qui adhère aux idées du Sillon de Marc Sangnier, avec l’ardent désir de porter l’évangile dans le monde ouvrier. Il s’oppose aux idées révolutionnaires et aux patrons qui ne respectent pas les droits de l’ouvrier. En 1918, le curé Maugeais s’adresse par écrit à la Commission des Ardoisières qu’il est prêt à assurer son concours à son patronage avec à l’esprit : « Que le patronage ne doit avoir qu’un but religieux, les divertissements n’étant que des accessoires ». Ce patronage animé par l’abbé Didon, aumônier des Bretons, fait partie des œuvres bretonnes prises en charge par la Commission et ne fait l’objet d’aucune critique sur son fonctionnement. Réponse donc négative de la Commission, les conceptions des uns et des autres des œuvres de jeunesse s’opposant.

L’Union Fraternelle.

Les relations entre la Commission et le clergé local deviennent des plus médiocres. L’abbé Maugeais n’étant pas favorable à l’activité de l’aumônier breton, l’abbé Didon retourne en 1919 à Quimper, son diocèse d’origine. L’abbé Maugeais supprime la messe des Bretons. Est nommé comme vicaire l’abbé Joseph Perron et la collaboration des deux prêtres crée une pastorale nouvelle en Anjou qui marquera profondément la paroisse de Trélazé. Deux idées fondamentales facilitent leurs actions :

  • La formation humaine d’une élite capable de transmettre dans le milieu où elle se trouve la doctrine sociale de l’église,
  • Le refus d’attirer la masse par des fêtes religieuses spectaculaires qui n’ont pas de lien avec la liturgie.

En décembre 1920, l’abbé Perron fonde « l’Union Fraternelle », une société d’éducation qui a pour but de permettre à ses membres d’acquérir en commun une éducation du point de vue moral, des idées chrétiennes et sociales. Également, de briser certaines équivoques sur le rôle de la religion dans la société. Point de vue qui ne soutient pas le capitalisme qui s’oppose aux révolutionnaires matérialistes et aux patrons qui ne respectent pas les droits de l’ouvrier. On y retrouve nettement la filiation du « Sillon ». Les moyens d’action sont des cercles d’études, des conférences, des séances récréatives, le théâtre et le cinéma.

Une pléiade de personnalités nationales sont venues prononcer des conférences à Trélazé : Marc Sangnier, Gaston Tessier, Président national de la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (C.F.T.C.), Francisque Gay, député démocrate-chrétien, Maurice Schumann, journaliste et député… Ont été lancées des réalisations frappantes :

  • ouverture d’un secrétariat social,
  • création d’une caisse de crédit mutuel,
  • création en 1929 d’une section syndicale C.F.T.C. qui est déclarée aux Ardoisières (Première section syndicale chrétienne en Anjou),
  • lancement de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (J.O.C.),
  • impulsion de la création de Jardins Ouvriers,
  • création d’un atelier de couture destiné aux jeunes filles.

En 1920, détaché du diocèse de Quimper, l’abbé François Jollec, est nommé vicaire pour la pastorale des Bretons de Trélazé et de Sorges. La question est remise en cause, le clergé local souhaitant toujours l’intégration des Bretons dans la vie paroissiale. Pour les abbés Maugeais et Perron, le vicaire breton a eu le devoir de s’impliquer dans cette pastorale. De son côté, la Commission tient à maintenir les œuvres bretonnes, ce qui facilite le recrutement de la main-d’œuvre. On est revenu à la situation antérieure à 1896.

Les œuvres de jeunesse entre la paroisse et la Commission s’opposent et aucun accord n’a jamais été réalisé après trois rencontres. Les ardoisières fournissant l’électricité au jeu de boule « La Bretonne », l’abbé Perron sollicite la Commission de bien vouloir faire bénéficier aussi le cercle « Notre-Dame des Carrières » et la salle du patronage, de l’électricité comme cela a été fait à la « Bretonne ». Refus des Ardoisières. L’abbé Perron répond par une longue lettre où il mène une attaque contre les œuvres patronales : « Nous établissons des œuvres, non pour se servir de leurs membres, mais pour servir ceux-ci en formant leur intelligence et leur cœur. Du moment que vous jugez que votre intérêt est de maintenir la distinction entre Angevins et Bretons, le nôtre nous commande l’union entre tous les membres ; il est évident que nous inspirons des principes différents. La lettre se termine par l’abandon de toutes les demandes formulées précédemment. »

C’est la rupture des relations entre le clergé paroissial et la Commission qui tient à ses œuvres sociales. Elle décide de les relancer avec l’abbé Jollec. Quel est son statut ? Ce qui est reconnu : il est payé et logé par les Ardoisières ; sa carte de visite mentionne : « Aumônier des Ardoisières ». Il dépense par an 26000 Fr. pour les œuvres bretonnes de la Pyramide pour une action classique d’organisation de loisirs. Sa charge sacerdotale se limite à la célébration de la messe dominicale des Bretons avec prêche en breton à la chapelle de Bel-Air et quelques manifestions religieuses annuelles : fête de la Sainte-Anne, retraite pascale et pèlerinage aux Champs des Martyrs.

Une voiture représentant l’Abbé Jollec sur le départ pour Tharon. Collection de l’auteur.

Les œuvres profanes.

Les œuvres profanes sont diverses selon les âges. Pour les garçons, un patronage où ils sont regroupés sur un terrain aménagé à la Pyramide le jeudi et durant les vacances scolaires. Aidé par un ancien militaire, l’abbé Jollec organise des sorties, deux à trois fois par semaine, et un séjour à la mer une fois par an à Tharon (Loire-Inférieure). Pour les 14 – 25 ans et plus, il crée un club de football « Les Gars d’Armor », une préparation militaire avec un stand de tir et une société de « boules de fort « l’Armoricaine » à la Pyramide. Dans ses rapports, l’abbé Jollec souligne le succès de ses œuvres mais révèle aussi son idée qu’elles ne sont pas réellement bretonnes. Elles acceptent tous les jeunes sans distinction et les parents reconnaissaient qu’avec ce curé il n’est pas question de religion.

Les rapports entre les œuvres « Armorico – patronales » et les œuvres paroissiales sont très tendus. Il y a manifestement concurrence. Le nouveau vicaire, l’abbé Gachet, s’adresse ainsi aux parents chrétiens : « Vos enfants, vous voulez sans doute en faire de vrais chrétiens, de vrais apôtres de vérité, de justice et de fraternité ; choisissez le patronage paroissial car il n’est pas fait pour l’avantage d’un maître humain ou d’une idée purement humaine, notre seul maître est le Christ et ses représentants. »

L’abbé Jollec est immergé dans le monde ouvrier. Il réprouve les inégalités et la misère. Il aime le peuple ; il est écouté et apprécié de tous les Bretons. La serviabilité est le trait dominant de son caractère, ne faisant aucune distinction entre croyants ou incroyants. Il tente d’éclairer la Commission sur les conditions de travail des jeunes gens de son patronage ou de son club de football. Il ne faut pas qu’ils soient étonnés si certains quittent l’entreprise parce qu’ils trouvent un autre travail moins pénible et plus avantageux. Ses interventions finissent par agacer le patronat. Sa conduite, sa soutane élimée, aimant bien lever le verre avec ses interlocuteurs, engendrent des critiques. Lors de la grève de 1936, il se joint aux manifestants dans un défilé partant de Trélazé pour participer à un rassemblement à Angers. Discrètement en 1937, il quitte Trélazé, l’évêché l’ayant nommé curé de Méron, petite commune située à quelques kilomètres de Montreuil-Bellay. Punition de l’évêché ? Départ demandé par la Commission qui supprime son soutien financier à l’aumônerie bretonne ? Par l’abbé Maugeais ?

L’abbé Jollec, Curé à Méron.

Au mois de juillet 1937, l’abbé Jollec est installé comme curé de Méron. Ses paroissiens découvrent un prêtre pittoresque : affublé d’une soutane décolorée, verdie par le temps, serrée à la ceinture par une ceinture de cuir, chaussé de gros brodequins avec lesquels il peut s’aventurer en tout terrain, curé tout simple et modeste. Très vite on découvre sa serviabilité et son penchant pour les bons produits de la vigne.

L’Abbé Jollec. Cliché issu « Des petits coins de ciel bleu 1940-1945. « En hommage à Sœur Odile et à ses compagnes. »

Dès janvier 1940, l’abbé Jollec emprunte le chemin qui le conduit au camp qui se trouve sur la plaine de Champagne pour venir en aide à des républicains espagnols, embrigadés par le ministère de l’Armement pour l’implantation d’une poudrerie. Au mois de juin, en pleine débâcle, sont accueillis au presbytère des réfugiés du Nord et des Belges. Il abandonne son lit et il couche dans sa baignoire. Les Allemands surgissent au début de l’après-midi, le 21 juin. Le curé se plante au milieu de la route pour les arrêter et les empêcher de se diriger vers la salle des fêtes du village. Mais ils font bombance pendant trois jours dans le café du bourg et finissent par piller la cave du curé. De fin juin 1940 à mars 1941, l’abbé Jollec reprend de nouveau le chemin du camp de la plaine de Champagne transformé par l’occupant en stalag où sont internés des soldats français, des civils originaires du Commonwealth et des étrangers.

Mais c’est surtout à partir de novembre 1941 qu’il s’attache aux gens internés par le gouvernement de Vichy pour lesquels il dépense un dévouement jamais mesuré, principalement pour les enfants enfermés avec leur famille, et pour beaucoup de femmes se trouvant enceintes.

Le jeudi après-midi, l’abbé sortait les enfants pour une promenade dans la campagne. « Que vont devenir ces pauvres créatures ? les vents glacés vont balayer la plaine de Champagne, installés dans des baraquement qui ne sont pas chauffés », écrit-il à l’Évêque. Une lettre de la Sous-préfecture lui interdit de pénétrer dans le camp, de rôder autour et de jeter des aliments, des vêtements et des chaussures.

Dans un prêche dominical, il demande à ses paroissiens d’avoir dans leurs prières une pensée spéciale pour les tsiganes enfermés dans le camp. Il reproche aux autorités de laisser ces détenus dans la misère totale. Bon nombre de paroissiens, à cette époque, étaient pétainistes.

Durant l’occupation, des prisonniers évadés, des réfractaires au Service du Travail Obligatoire (S.T.O.), des résistants pourchassés trouvent refuge au presbytère, un repas, un lit, avec au bout une cachette plus sûre et même de faux papiers.

Le 3 janvier 1945, à la suite de la découverte d’une mine allemande le long du canal de la Dive à proximité du hameau de Douve, commune d’Epieds, en tentant de désamorcer l’engin, celui-ci saute tuant deux hommes, deux autres étant blessés. Dès qu’il apprend la nouvelle, l’abbé Jollec se précipite sur les lieux du drame. En compagnie d’un gendarme voulant dégager le cadavre d’un démineur, une mine bondissante projette des éclats, pulvérisant tout ce qu’elle rencontre. Le gendarme est tué, l’abbé Jollec est criblé d’éclats et on le croit mort. Il est grièvement blessé, perd un œil et est atteint particulièrement à la cuisse. On y retire 22 éclats. Le blessé ne s’en remettra jamais : la gangrène s’installe et il est amputé à mi-cuisse ; des femmes de Méron changent tous les jours ses pansements. Courant 1946, il quitte Méron pour la maison de retraite du clergé à Beaupréau où il décède le 24 mai 1950.

Les traces de l’immigration bretonne.

Bagad Men Glaz. Cliché Kevrenn d’Anjou.

Il reste encore des traces de l’immigration bretonne à Trélazé :

  • Le quartier de la PetiteBretagne,
  • Les jeux de boule : « La Bretonne » dans le bourg et « L’Armoricaine » à la Pyramide,
  • Le Bagad Mam-Glaz-Kevrenn d’Anjou.

Sources

  • Trélazé terre de migration bretonne : Catherine Fauchet, Natalie Hugues.
  • Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest : « L’immigration bretonne à Trélazé »                                         par Jean-Luc Maras, historien, professeur des universités.
  • Archives Départementales de Maine-et-Loire : Dictionnaire Historique Célestin Port.
  • Archives Diocésaines d’Angers : Registre paroissial de Trélazé.
  • Trélazé cité des faiseurs d’ardoises (J. Thomé). Wikipédia.
  • Photos du Courrier de l’Ouest et d’Ouest-France.

Article de Jean Morlong.

Jean Morlong est président d’honneur de l’AMOPA de Maine-et-Loire et commandeur dans l’Ordre des Palmes académiques. Proviseur honoraire, il est notamment connu pour ses conférences sur les ardoisières et ses visites du site ardoisier de Trélazé.

Site Internet : https://amopa49.fr/

Contacter : contact@amopa49.fr