Contexte de la formation des schistes ardoisiers exploités dans le Maine-et-Loire par Marie Houdiard, AMOPA de Maine-et-Loire.

La rubrique « Patrimoines de Maine-et-Loire » se poursuit par une étude de Marie Houdiard présentant le contexte géologique de formation des schistes ardoisiers dans le Maine-et-Loire. Les ardoises sont élaborées à partir de blocs de schistes ardoisiers extraits de carrières situées dans plusieurs localités de notre département.

  1. Particularités des schistes ardoisiers exploités dans le Maine-et-Loire.

Les informations apportées par l’identification des particularités des schistes ardoisiers exploités dans le Maine-et-Loire permettent de reconstituer le contexte de sa formation.

La carte géologique au 1/50.000ème d’Angers montre que les schistes ardoisiers exploités dans le Maine-et-Loire sont disposés en bandes parallèles, plus ou moins larges. Les indications de pendage, c’est-à-dire leur orientation par rapport à l’horizontale, montrent que certaines bandes pendent vers le nord-est (NE) tandis que d’autres pendent vers le sud-ouest (SO). La reconstitution de la géométrie de l’ensemble montre que les terrains concernés forment des plis orientés NO – SE.

Disposition des niveaux de schistes ardoisiers dans la région d’Angers

Schéma 1. SP : terrains postérieurs à l’Ordovicien ; SA : schistes d’Angers, dont les schistes ardoisiers ; G : grès armoricain ; SB : schistes et arkoses de Bain. Les terrains G et SB sont antérieurs aux schistes d’Angers.

Un anticlinal est un pli convexe dont le cœur est occupé par les couches géologiques les plus anciennes ; un synclinal est un pli concave dont le cœur est occupé par les couches géologiques les plus récentes ; un synclinorium est un grand pli, globalement en forme de synclinal, dans lequel on retrouve un enchaînement de plis synclinaux et anticlinaux plus petits.

Exemple de trilobite des schistes ardoisiers : Neseuretus tristani

Schéma 2. Les schistes ardoisiers exploités dans le Maine-et-Loire contiennent des restes d’animaux appartenant aux taxons des Graptolithina et des Trilobita.

Les Trilobita sont des animaux marins qui ont vécu à l’ère Paléozoïque, du Cambrien inférieur au Carbonifère supérieur. Ils appartiennent au règne des Arthropodes. Leur anatomie est caractérisée par la partition longitudinale de leur corps en trois parties. Les constituants de ce dernier sont regroupés en trois sous-ensembles transversaux : le céphalon, le thorax et le pygidium. La plupart des Trilobita étaient des animaux benthiques vivant dans le fond des océans ou de mers. Ils étaient généralement carnivores.

Les Graptolithina sont des animaux marins qui ont vécu à l’ère Paléozoïque, du Cambrien supérieur au Carbonifère inférieur. Ils formaient des colonies pouvant comporter plusieurs milliers d’individus. Certains d’entre eux, planctoniques, vivaient à la surface des océans, dérivant au gré des courants. D’autres, benthiques, possédaient un appareil de fixation les attachants à des algues ou au fond de l’océan.

Schémas 3 et 4. Exemple de Graptolithina : Didymograptus sp.

Schéma 3 : Colonie

Schémas 3 et 4 : Exemple de Graptolithina : Didymograptus sp.

Une colonie est constituée à partir d’un individu initial nommé sicula. Elle possède un axe central ramifié. Chaque ramification comporte des thèques hébergeant chacune un individu. Ce dernier est relié au stipe par un pédoncule. Il se nourrit de constituants du plancton qu’il attrape à l’aide des tentacules portés par ses deux lophophores rétractiles.

Schéma 4 : Individu isolé

Les schistes ardoisiers exploités dans le Maine-et-Loire possèdent un grain très fin et régulier. Ils sont de couleur gris bleuté. Ils contiennent souvent des cristaux de pyrite. Leur aspect lustré est dû à la présence de petits minéraux blancs appartenant au groupe des séricites. Ces caractéristiques montrent qu’ils proviennent de la transformation d’argiles initialement déposées au fond d’un bassin sédimentaire marin peu profond ayant des eaux calmes, pauvres en dioxygène, sous l’effet d’une augmentation de la pression et de la température.

Les schistes ardoisiers exploités dans le Maine-et-Loire sont des roches fissiles qui peuvent se fendre en feuillets rocheux très plans. Leur feuilletage ou schistosité est dû à l’existence de discontinuités mécaniques en leur sein. Leur observation au microscope montre que deux des minéraux les constituant, la séricite et les chlorites, possèdent une orientation préférentielle. Elle met aussi en évidence que ces deux catégories de minéraux se sont formés à l’état solide, sans qu’il n’y ait eu de fusion.

Les schistes ardoisiers exploités dans la région d’Angers ont pour origine des argiles déposées en milieu marin. Les fossiles présents indiquent qu’elles se sont formées à l’Ordovicien moyen il y a environ 460 millions d’années. Après leur dépôt, les argiles ont subi une modification de leur composition minéralogique à l’état solide. La présence de plis dans la zone où se trouvent les schistes ardoisiers exploités dans la région d’Angers montre que les roches dont ils proviennent ont été intégrées dans une chaîne de montagne.

2. Étapes de la formation des schistes ardoisiers exploités en Maine-et-Loire.

Disposition des masses continentales et océaniques au début de l’Ordovicien

Au début de l’Ordovicien, il y a 500 millions d’années, la région où se sont déposées les argiles à l’origine des schistes ardoisiers exploités en Maine-et-Loire occupait une zone peu profonde, aux eaux très pauvres en dioxygène, de l’océan du Massif central. Ce dernier séparait le microcontinent Armorica du continent du Protogondwana.

L’enfouissement progressif des argiles à l’origine des schistes ardoisiers exploités en Maine-et-Loire entraîne leur compaction et leur déshydratation. Elles se transforment progressivement en shales.

Au cours du Silurien, entre 435 et 410 millions d’année, les mouvements relatifs entre le continent Lauratia et le continent Baltica entraînent la disparition de l’océan Iapetus. Le contact entre ces deux continents, encore appelé collision, est à l’origine de la formation d’une chaîne de montagne nommée chaîne calédonienne. Les masses continentales réunies donnent naissance au continent Laurussia. A la même époque, les mouvements relatifs du microcontinent Armorica et du continent du Protogondwana entraînent la disparition progressive de l’océan du Massif central.

Disposition relative des masses continentales et océaniques au Silurien.

Au cours du Dévonien inférieur et moyen, entre 410 et 375 millions d’années, la disparition de l’océan du Massif central met en contact le continent du Protogondwana et le microcontinent Armorica. La collision continentale qui en découle est la première phase de la formation de la chaîne de montagne hercynienne ou varisque.

La convergence entre les deux masses continentale découlant de la fermeture de l’océan du Massif central puis de la collision continentale sont à l’origine de l’empilement des terrains sédimentaires initialement présents dans le fond du bassin océanique. Se trouvant enfouis en profondeur, ils sont portés à de nouvelles conditions de pression et de température, ce qui entraîne la réorganisation des éléments les constituants ainsi que la formation à l’état solide de nouveaux minéraux.

La convergence entre les deux masses continentale découlant de la fermeture de l’océan du Massif central puis de la collision continentale soumettent les terrains concernés à des pressions convergentes. Sous leur action, les minéraux formés à l’état solide lors de l’enfouissement s’orientent dans des plans perpendiculaires à leur direction principale. Cette orientation préférentielle est à l’origine d’une schistosité.

Schémas 7 et 8. Conséquences des pressions convergentes et de l’enfouissement sur des shales.

Étape 1 : Shales formés par la déshydratation et la compaction d’argiles déposées en milieu marin.

Étape 2 : Sous l’effet de pressions convergentes et de l’enfouissement, les constituants des shales sont compactés et plissés. De nouveaux minéraux se forment dans des plans perpendiculaires à la direction générale des pressions.

La séricite et les chlorites présentes dans les schistes ardoisiers exploités en Maine-et-Loire indiquent que les shales dont ils dérivent ont été portés, lors de la première phase de la formation de la chaîne hercynienne, à une profondeur de vingt à trente kilomètres. Les plans de schistosité sont parallèles aux plans axiaux des plis les affectant.

Les argiles déposées à l’Ordovicien dans le bassin de l’océan du Massif central ont subi une première phase de compaction. Elles ont ainsi été transformées en shales. La fermeture de l’océan du Massif central au Silurien, sa disparition au Dévonien ainsi  que la collision de la microplaque Armorica et du continent du Protogondwana ont généré un enfouissement des shales et les ont soumis à des pressions orientées. Ils se sont alors métamorphisés c’est-à-dire transformés en schistes ardoisiers possédant un feuilletage ou schistosité caractéristique.

Références bibliographiques

  • Regard sur la géologie du massif armoricain, J.P. André, bulletin de la société d’Études Scientifiques d’Angers 2002, tome XVII.
  • Structure de l’unité de Saint-Georges-sur-Loire et du domaine ligérien (massif armoricain), implications géodynamiques pour la chaîne hercynienne, thèse de l’Université d’Orléans, C. Cartier, février 2002.

Article de Marie Houdiard

Marie HOUDIARD est Inspectrice d’académie – Inspectrice pédagogique régionale honoraire, agrégée de Sciences naturelles. Elle est secrétaire de l’AMOPA de Maine-et-Loire.