Le retour du castor d’Europe en Maine-et-Loire, par Marie Houdiard, membre de l’AMOPA de Maine-et-Loire.

Le castor d’Europe, Castor fiber, est une espèce de mammifère aquatique de la famille des Castoridae. Autrefois, il était appelé bièvre. Il est classé « espèce protégée » en France. La destruction de son environnement, y compris ses barrages, est également interdite.

Disparu du bassin ligérien au début du vingtième siècle, il y a été réintroduit en 1972.

Caractéristiques physiques.

Le castor d’Europe passe les deux tiers de son temps dans l’eau. Il peut rester sous l’eau au moins six minutes. Il est surtout actif en début et en fin de nuit. Grégaire, il marque son territoire à l’aide de son castoréum et le défend âprement contre les intrus. Son gîte peut être un terrier creusé dans la berge ou une hutte de forme variée. Son entrée en est toujours située sous l’eau.

Castor d’Europe se déplaçant. Dessin de A. Renard-Estadieu.

Le castor d’Europe peut mesurer jusqu’à un mètre trente-cinq (queue comprise), ce qui en fait le plus gros rongeur autochtone européen. Sa masse peut atteindre une trentaine de kilogrammes. Il est doté d’une bonne vision nocturne et d’une vision diurne lui permettant de discriminer les couleurs. Son excellent odorat, son ouïe efficace et ses vibrisses facilitent sa recherche de nourriture, ses déplacements de nuit ou dans le noir de sa hutte. Ses pattes antérieures sont munies de cinq doigts griffus non palmés, aptes au fouissage. Elles possèdent chacune un pouce opposable facilitant la préhension. Ses pieds possèdent cinq doigts complètement palmés. Sa queue est noire, plate, ovale, épaisse et musculeuse. Elle lui sert d’outil, de propulseur et de gouvernail. C’est aussi une réserve hivernale de graisse et un échangeur thermique lui permettant de se rafraîchir si besoin est. Son pelage très dense est imperméabilisé grâce au castoréum, sécrétion huileuse et odorante produite par des glandes situées près de l’anus. Ses incisives très aiguisées sont consolidées par un émail de couleur orangée.

Mode de vie.

Hutte de castor du Canada*
* Les huttes bâties par les castors du Canada sont semblables à celles construites par les castors d’Europe.

Animal semi-aquatique inféodé aux zones humides, le castor d’Europe a besoin d’un plan d’eau permanent profond d’au moins soixante centimètres pour protéger l’entrée de son gîte. Si le niveau de l’eau descend en été, il construit une digue pour l’élever afin que l’entrée de son gîte soit toujours immergée et invisible. Il utilise pour cela des branches prélevées sur les arbres et buissons rivulaires. Quand il est sur terre, il passe la majeure partie de son temps à moins de six mètres de l’eau où il se réfugie s’il se sent menacé.

Les castors d’Europe sont monogames. Une majorité d’entre eux vit en groupes familiaux composés de deux adultes, des jeunes de plus d’un an et des jeunes de l’année. La femelle met bas dans son terrier ou sa hutte. Elle allaite ses petits grâce à ses quatre mamelles.

Alimentation.

Au printemps, en été et en automne un castor européen adulte ingère environ deux kilogrammes de matière végétale par jour. Il se nourrit essentiellement de l’écorce de tiges et de branches. Il les prélève principalement dans la strate basse de la ripisylve. En été, il consomme aussi des végétaux herbacés et des fruits se développant à proximité du cours d’eau où il est installé.

En hiver, il consomme quotidiennement environ sept cents grammes d’écorce de végétaux qu’il a stocké sous l’eau à la fin de l’été et à l’automne.

Rapports entre l’être humain et le castor d’Europe.

De l’Antiquité au XVIIIe siècle, le castor d’Europe a été chassé pour son castoréum utilisé en parfumerie et pour la réalisation de préparations pharmaceutiques que l’on ne pouvait pas extraire sans tuer l’animal. Sa fourrure était également très appréciée. On le chassait en hiver, période où le poil est réputé plus dense et saison où le castor est le plus vulnérable.

La déforestation des zones les plus richement boisées, la canalisation ou la régularisation d’une grande partie des cours d’eau, la construction des moulins à eau ainsi que le drainage d’un grand nombre de zones humides pour les mettre en culture ont fait régresser les territoires potentiellement disponibles pour son établissement.

À la dégradation physique des habitats du castor d’Europe s’est ajoutée une dégradation chimique liée à l’introduction dans le milieu aquatique de nombreux nutriments contribuant à son eutrophisation, de polluants et à la contamination des arbres et des écorces à partir de l’air.

Au début du XXe siècle, le castor d’Europe avait quasiment disparu du territoire de la France métropolitaine, et complètement du bassin versant de la Loire. Les impacts écologiques de sa disparition ont alors été visibles : assèchement, disparition ou fermeture de zones humides, dégradation des tourbières qui sont des puits de carbone, altération de la qualité de l’eau, diminution de la biodiversité des zones concernées.

En France, la protection du castor d’Europe a débuté en 1909 dans les départements du Gard, du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône.

La réintroduction du castor d’Europe dans le bassin ligérien.

Le Castor d’Europe a été réintroduit dans le bassin de la Loire par la société d’étude et de protection de la nature en Loir-et-Cher. L’opération réalisée avec l’autorisation du ministère de l’environnement s’est déroulée en deux temps : un premier lâcher en avril 1974, puis un second en 1976. Au total treize individus issus de la population de castor d’Europe de la basse vallée du Rhône ont été réintroduits sur les bords de la Loire, près de Blois.

La réintroduction du castor d’Europe dans le Val de Loire a été une réussite. Ainsi, en 2010, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (O.N.C.F.) notait la présence du castor d’Europe sur deux mille cinq cents kilomètres de rivières et de fleuve de dix-sept départements du bassin Loire-Allier.

Le premier témoignage de la réinstallation du castor d’Europe en Anjou date de 1983. En 1988, sa présence certaine fut attestée près de Saumur. En 2002, des indices de présence furent identifiés à La Varenne, commune la plus en aval du département sur la Loire. La Maine et son bassin versant sont entièrement colonisés depuis 2010. Des familles de castor d’Europe se sont depuis installées dans les départements de Sarthe et de Mayenne. Les affluents de la rive gauche de la Loire sont eux aussi colonisés.

Effets du retour du castor d’Europe.

Traces de prélèvement d’écorce par un castor d’Europe observées à Champtoceau (49).

Les effets les plus spectaculaires du retour du castor sont liés à ses capacités à restaurer des zones humides, à ouvrir le milieu et à complexifier les zones de transitions entre les différents écosystèmes où il s’est installé.

  • Chaque petit barrage, même de quelques dizaines de centimètres de hauteur, conserve une provision permanente d’eau. De l’eau est donc toujours disponible pour la végétation, même lors des périodes d’étiage.
  • Une étude conjointement menée par des chercheurs des universités de Gand (Belgique) et de Ferrara (Italie) a montré que les barrages de castors réduisent significativement les débits en aval lors des périodes de crue.
  • Les constructions élaborées par les castors entretiennent une nappe superficielle toute l’année, ce qui est favorable à la formation des tourbes ou tapis de sphaignes qui sont des puits de carbone.
  • La construction d’une hutte et des barrages associés entraîne l’élagage d’une partie de la ripisylve par le castor. L’ensoleillement du milieu étant augmenté, des espèces végétales héliophiles peuvent s’implanter. Leur présence attire des espèces animales qui n’étaient initialement pas présentes dans la zone concernée.

L’ auteur de cet article :

Marie Houdiard est Inspectrice d’académie – Inspectrice pédagogique régionale (Sciences de la Vie et de la Terre) honoraire, agrégée de Sciences naturelles. Elle est secrétaire de l’AMOPA de Maine-et-Loire et officier des Palmes académiques.

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