A l’occasion du vernissage de son exposition « Les rivières des bonheurs simples », Jean Pierre Bocquel accueille l’AMOPA de Maine-et-Loire dont il est membre dans sa maison de Cantenay-Epinard, et plus particulièrement dans le bâtiment d’exposition qu’il y a fait construire. Il y reçoit plus de 1500 visiteurs par an qui, comme nous, sont entourés d’œuvres produites par l’artiste.
« Nous avions une idée assez précise. Nous voulions connaitre comment Jean-Pierre Bocquel, artiste plasticien connu dans le monde entier, était entré en résonance avec l’histoire trélazéenne. Les paysages associés à l’exploitation des schistes ardoisiers tiennent une place particulière dans l’œuvre de Jean-Pierre Bocquel, artiste angevin ».
D’abord, il se présente très humblement. Après des études à l’école des Beaux-Arts de Lorient puis deux années en classe spécialisée au lycée Claude Bernard de Paris, Jean-Pierre Bocquel obtient le Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement du Second degré (CAPES) « Dessin et arts plastiques » à Nancy ; il obtient son premier poste d’enseignant à Thionville. Nommé au collège Chevreul d’Angers en 1969, il y termine sa carrière.
Il occupe un poste de « professeur de dessin » comme on disait à l’époque. Féru de pédagogie dynamique, il enrôle ses élèves dans une démarche artistique allant de la publication (« Feu et Pédagogie » L’Harmattan) à la co-création d’œuvres picturales dont certaines sont accrochées dans des bâtiments municipaux ou à la Direction Académique des Services de l’Éducation nationale de Maine-et-Loire. Alors que sa vie de pédagogue en fait déjà un professeur dont la renommée dépasse le cadre de son établissement, Jean-Pierre Bocquel mène parallèlement une vie d’artiste. Il expose bientôt à Paris, à New-York, remporte de nombreux prix…
Il est sociétaire du salon d’Automne de Paris depuis 1989 et préside le salon de la jeune peinture d’Angers, le Salon de printemps d’Angers…
Pendant toutes ces années, Jean-Pierre Bocquel enseigne les arts plastiques avec passion et enthousiasme à des générations d’élèves qui en gardent d’excellents souvenirs. Parallèlement, il réalise de nombreuses œuvres. Certaines d’entre elles lui permettent d’être sélectionné au concours départemental, régional et national du Lion’s Club. Les trois prix reçus à cette occasion lui permettent d’exposer ses œuvres dans une galerie du Faubourg Saint Honoré. Certaines d’entre elles sont exposées aux États-Unis d’Amérique. Étant devenu membre du Lion’s Club, il propose d’organiser un salon de peinture destiné aux peintres de la région, avec une mention spéciale pour les jeunes peintres. Cet évènement est d’abord organisé à Angers puis à Trélazé aux Anciennes Écuries des ardoisières lorsque leur restauration fut effectuée.
C’est dans ce mouvement que sa rencontre avec Trélazé nait. Il y rencontre Marcel Gouacoulou, artiste trélazéen dans les années 1980. Son sentiment est alors épidermique et se dit « je ne reviendrai plus jamais à Trélazé ». Pourtant cette réaction à la grande tristesse de la ville alors en rupture avec son histoire ardoisière, sa lumière sombre, une appréhension de son atmosphère triste, semble être le germe de la suite artistique que nous sommes venus comprendre.
Il est sollicité pour participer au salon du « Groupement des Artistes Trélazéens », où son œuvre obtient le 1er prix. Quelques années plus tard, il devient président du jury, puis président du salon lui-même.
Dans ce temps se joue alors une double rencontre. Rencontre avec la ville de Trélazé sous une autre lumière et rencontre avec Marc Goua, alors maire de la ville. Ce sera le prélude à une longue amitié, moteur de la création artistique qui nous intéresse.
A partir de 2004, Jean-Pierre Bocquel commence à peindre le paysage patrimonial trélazéen. Afin de découvrir les sites les plus emblématiques, il circule dans toute la ville et peut descendre dans un fond encore en activité. Les œuvres réalisées à ces occasions laissent une place significative aux bouleaux qui colonisent les terrains jonchés de déchets d’ardoise, déposés à la périphérie des puits d’exploitation. Leur écorce noire et blanche fait écho au contraste entre la lumière du jour et l’obscurité des puits. Après avoir peint des toiles illustrant « l’à-haut », il peint « l’à-bas ».
« Mais notre questionnement demeure. L’artiste qui ne devait plus revenir à Trélazé, sous l’impulsion amicale de Marc Goua, produit des œuvres à la beauté magnétique dont certaines sont accrochées dans le bureau de l’actuel maire de Trélazé Lamine Laham, entre autres lieux. Que s’est-il donc passé ? »
Notre interlocuteur, le lieu où il nous reçoit entouré de quelques-unes de ses œuvres, le récit de son cheminement de vie d’homme et d’artiste nous amènent à tenter d’entrer modestement dans la lecture de ce que nous regardons. Les tableaux qui représentent Trélazé créent des images oniriques, à peine réelles, plongées dans une lumière ténébreuse. Pas un humain n’y est représenté à la différence des chevalements et des bosquets de bouleaux, eux immanquablement présents.
Nous nous demandons alors s’il n’existe pas une symbiose entre l’atmosphère dégagée par le paysage trélazéen et le profond ressenti de l’artiste qui serait empreint d’une réflexion sur la temporalité. Le temps arrêté sur ces friches ici réinterprétées comme des squelettes en survie, les hommes absents de l’image mais présents par la transformation du paysage qui nous est livré, les obliques qui appellent et déplacent le regard et le bouleau dont l’écorce absorbe et renvoie la lumière comme l’œuvre de Jean Pierre Bocquel qui absorbe et renvoie le temps de l’humanité. Trélazé, ses paysages formés par mille ans d’exploitation de l’ardoise, semble donc être une entrée privilégiée par l’artiste. Elle lui donne l’occasion de si bien écrire la fixité et la fuite du temps, la permanence et la fuite de la vie.
Jean-Pierre Bocquel dit « laisser une trace » sur ce chemin où il apporte quelque chose de lui.
Jean Pierre Bocquel est revenu à Trélazé. Il l’a peinte en profondeur. Il semble être le révélateur de son souffle profond. Derrière le voile de lumière dont il a le secret et qui transcende chacune de ses œuvres, ne révèle-t-il pas d’une des plus belles manières l’histoire et l’âme de la cité ardoisière ?
En réponse, Jean-Pierre Bocquel nous écoute et nous sourit. Nous déambulons avec l’artiste entre quelques-unes de ses toiles et de ses sculptures. Mieux qu’une conférence sur l’exploitation de l’ardoise, cette visite parle à la sensibilité du visiteur. Chacun pourra s’en faire une approche, une idée, se raconter une histoire en compagnie de l’artiste toujours prê dans une grande humanité et modestie, à lever un peu, mais pas trop, son voile de lumière.
Rencontre avec l’AMOPA de Maine-et-Loire représentée par Philippe Bonnette, Enseignant en didactique des Arts à l’Université Catholique de l’Ouest, membre du comité de l’AMOPA, Marie Houdiard, IA-IPR de Sciences de la vie et de la terre honoraire, secrétaire de l’AMOPA 49, et Hilda Louchart, Attachée d’administration honoraire, membre du comité de l’AMOPA.