Les méthodes d’extraction du schiste au fil des siècles à Trélazé par Jean Morlong, AMOPA de Maine-et-Loire

Cet article de Jean Morlong fait suite à un premier article « Approche historique des méthodes d’extraction du schiste » et à un deuxième consacré au travail du schiste à Trélazé (Maine-et-Loire). Ces articles s’intègrent à la rubrique « Patrimoines en Maine-et-Loire » de la section de Maine-et-Loire de l’AMOPA. L’auteur, Jean Morlong, s’intéresse cette fois-ci aux méthodes d’extraction du schiste à Trélazé (Maine-et-Loire) et à leur évolution au fil du temps.

Pour approfondir cette étude, vous pouvez visiter le très passionnant Musée de l’Ardoise de Trélazé relatant six ans ans d’histoire des ardoisières, situé sur un ancien site d’exploitation ardoisière classé site remarquable de l’Anjou.

Angers au 14ème siècle, une petite perrière. Houfnaglius – Archives départementales de Maine-et-Loire.

Sur la partie angevine du Massif armoricain, dès l’Antiquité, le schiste a été utilisé comme matériau pour le gros œuvre de différents ouvrages et de pierres tombales. Faute d’écrits, on ne peut connaître avec précision sa mise en œuvre comme élément de couverture (10ème ou 11ème siècle). Il est supposé qu’une ardoisière a été exploitée au lieu-dit l’Adésière à Avrillé avant 1312.

Au 14ème siècle (1338-1339), des écrits nous précisent l’existence de petites perrières, à trois ou quatre mètres de profondeur, où des paysans pendant la morte saison de leurs travaux extrayaient du schiste utilisé pour la construction et la couverture. Les ardoises étaient alors fabriquées selon des procédés archaïques.

A la fin du 14ème siècle, les ardoisières étaient peu nombreuses, leur exploitation très précaire, au sud de la ville d’Angers. Pierre LISE cite la perrière Saint Serge : il est fort probable que cette carrière se confonde avec celle du Pigeon ouverte en 1376. Au nord d’Angers, au 15ème siècle, les exploitations s’étaient déplacées sur la partie ouest des paroisses de Trélazé et de Saint-Barthélemy. En 1406, à Tire-Poche, paroisse de Trélazé, sur un terrain boisé appartenant à l’Hôtel-Dieu d’Angers, était ouverte l’exploitation d’une ardoisière. Ce fut la première exploitation à ciel ouvert à Trélazé !

En 1437, à quelque cent mètres de Tire-Poche est ouverte la carrière du Bouc-Cornu, louée par les religieux de l’Hôtel-Dieu. La remontée des blocs de schiste se faisait à dos d’hommes sur des échelles. En 1484, une carrière était exploitée à Villechien ; en 1491 est mentionnée la Chanterie, ouverte dans un terrain qui appartenait à l’abbaye Toussaint, exploitée par le chantre de Saint Léonard. Toutes ces carrières peu profondes (vingt à trente mètres) étaient ouvertes dans des zones non inondables. Ainsi, au 15ème siècle, les ardoisières étaient peu nombreuses, peu actives et très précaires, la guerre de 100 ans étant au cœur de l’Histoire.

Au 16ème siècle, les ardoisières prenaient beaucoup plus d’importance pour satisfaire des besoins nouveaux tels que les constructions des châteaux de la Loire. Les exploitations, ouvertes sur des terrains appartenant à des communautés religieuses jusqu’à la révolution, étaient affermées au droit de forestage du 1/8 payable en espèces. Au fil des années, ce droit passera du 1/8 au 1/12, voire 1/13 et sur une requête des exploitants, il sera supprimé par un décret royal signé par Louis XV en 1740.

Une faille dans la veine. Cliché Jean Morlong.

Les caractéristiques du schiste ardoisier

Le schiste ardoisier est une roche qui présente les caractères d’une masse cristallisée avec des plans de moindre résistance. On peut imaginer la matière à extraire comme un livre posé verticalement et fortement comprimé, cette matière s’étendant en direction et profondeur, coupée de nombreuses cassures dans tous les sens. Le clivage ou plan de fissibilité du schiste en Anjou est à peu près vertical. Dans un article récent paru sur notre site, Marie Houdiard précise le « Contexte de la formation des schistes ardoisiers exploités dans le Maine-et-Loire« 

Un asséreau, coupure dans la veine de schiste. Cliché Jean Morlong.

Certains délits rencontrés dans le schiste ardoisier  

Une faille dans la veine, un asséreau (cf. photographies jointes).

Autres délits : la corde de chat, filon de quartz dans le schiste, Pyrite sulfure de fer…

Historique des méthodes d’extraction

  • Carrière à ciel ouvert par gradins droits.
  • Carrière sous voûte souterraine par gradins droits.
  • Mine par gradins renversés, méthode Blavier dite « en remontant ».
Carte postale ancienne. Collection Jean Morlong.

Les ouvriers d’en bas ou d’à bas.

Au fond, la profession était moins fermée que celle des fendeurs, placés sous la surveillance d’un clerc. Pour les ouvriers d’en bas ou d’à bas, on y distinguait : les fonceurs, les hottiers, les manœuvres.

Carrières à ciel ouvert par gradins droits.

L’exploitation à ciel ouvert par gradins droits a constitué le premier système de mise en œuvre de l’industrie ardoisière. Les documents anciens permettent de se rendre compte des conditions dans lesquelles le travail était effectué.

L’épuisement des eaux est opéré à l’aide de treuils à bras et les matières utiles et stériles sont remontées dans des hottes à dos d’hommes.

Lorsque l’endroit où l’on désire exploiter une carrière est déterminé, on effectue quelques sondages et on procède à l’opération de découverte qui consiste à enlever la terre végétale, la croûte de schiste stérile inexploitable appelée cosse, afin d’atteindre le bon schiste.     

C’était un travail de terrassement qui peut atteindre une dizaine de mètres de profondeur. Le travail de déplacement de plusieurs milliers de mètres cubes de matières stériles est ainsi à l’origine des buttes recouvertes de déchets d’ardoise.

Carte postale ancienne. Collection Jean Morlong.

Le principe de l’extraction du schiste consiste à le détacher de la veine successivement par tranches sur une hauteur de deux ou trois mètres. Pour attaquer la première tranche, on pratique au milieu de l’exploitation, et dans le sens de la veine une foncée, sorte de fossé d’une largeur  de quatre pieds (soit 1,20 m) et haut de six à sept pieds (soit 2,20 à 3 m).  Ainsi sont obtenus deux fronts de taille. Sur l’image ci-contre, on remarque au fond de la foncée un regard destiné à recueillir l’eau de la carrière.

Carte postale ancienne. Collection Jean Morlong.

La première foncée étant ouverte, le reste de  l’ouvrage va ensuite beaucoup plus vite.  Sont détachés par les fonceurs de gros  blocs de pierre.  On plante sur une même ligne, neuf à dix coins ou quilles, égales  au nombre de fonceurs. Chacun armé d’une masse va frapper en coordination avec les autres fonceurs de telle sorte que les quilles s’enfoncent simultanément dans le schiste.  Quand une quille est enfoncée, une  seconde derrière la première, est mise en place et quelques fois plusieurs, jusqu’à ce que le bloc se détache de la masse. Le bloc peut ainsi être désolidarisé de son emplacement initial, souvent après un travail pénible de cinq à six jours. Il y a parfois trois ou quatre foncées où l’on travaille en même temps, de sorte qu’au bout d’une certaine période d’exploitation, le fond est constitué d’une série de gradins droits, simultanément attaqués. La qualité du schiste s’améliore d’autant plus que l’exploitation gagne en profondeur.

L’évacuation de l’eau dans un tonneau. Collection Jean Morlong.

Certaines carrières ont atteint une profondeur supérieure à cent mètres, les Petits-Carreaux étant la plus profonde avec quarante-deux foncées et cent-vingt cinq mètres. A fur et à mesure que l’approfondissement de la carrière augmente, les gradins superposés donnent à la carrière la forme d’un cône renversé, ce qui réduit la surface exploitable. Il faut signaler en outre les risques d’éboulements qui deviennent de plus en plus préoccupants et plus graves selon la nature et la qualité du schiste. Plusieurs carrières ont connu des éboulements avec des accidents corporels non seulement mineurs mais aussi mortels. De ce fait, de nombreuses carrières ont été contraintes d’abandonner leur exploitation à la suite d’accidents.

Collection Jean Morlong.

Jusqu’au 16ème siècle, la profondeur des carrières à ciel ouvert est limitée à cinquante mètres. Au 17ème siècle sont  mis en œuvre des manèges où un cheval aveugle actionne le treuil sur lequel sont enroulés deux câbles dans un sens différent. L’un remonte pendant que l’autre descend. Les premiers manèges ne servent qu’à l’épuisement de l’eau. C’est à la fin du 17ème et début du 18ème que des manèges sont utilisés pour la remontée de la pierre mise dans des bassicots, sortes de caisses en bois contenant quatre hottées de pierre.  

Le bassicot est accroché par des chaines à une poulie où est fixé un câble de tirage qui entraîne la poulie qui, elle-même, tourne sur un câble de guidage appelé billon de conduite. Ce dispositif servait à conduire le bassicot dans tous les points de la carrière. De ce système de remontée de la pierre a résulté plusieurs accidents, provoqués par des chutes de pierres mal calées. dans le réceptacle.

Collection Jean Morlong.

Au cours du 19ème siècle, les explosifs – la poudre noireont commencé à être utilisés pour l’abattage du schiste. La technique utilisée est alors des mines forées au bas du banc et des mines verticales forées au front de taille (haut du gradin).  

Également au 19ème siècle, les manèges sont remplacés par des pans de bois où se trouve un plancher qui supporte un chevalement avec ses deux poulies qui guident les câbles d’extraction ou de remontée. Après 1830, la force animale a été progressivement remplacée par la vapeur. La première machine à vapeur, appelée pompe à feu, apparaît à Trélazé précisément en 1830, pour la remontée de la pierre et l’évacuation des déchets. En 1853, on compte vingt-trois machines à vapeur sur l’ensemble des exploitations. La première machine à vapeur a été mise en service en 1829 à Avrillé à la carrière de la Renaissance.

Carrières souterraines sous voûte à gradins droits

Le développement des carrières à ciel ouvert par gradins droits est stoppé pour mettre fin au travail improductif qui consiste à enlever et évacuer les stériles. Le changement de technique est inspiré des techniques en usage depuis la fin du 18ème siècle dans les ardoisières de Basse-Bretagne et du Pays de Galles où le schiste est extrait en faible profondeur sous voûte. Ces carrières peu profondes ont un rendement médiocre.

Collection Jean Morlong.

Cette méthode d’exploitation mieux connue sous le nom de puits bouteilles est ainsi appliquée aux Grands-Carreaux en 1838. A partir du fond d’une ancienne carrière à ciel ouvert, on creuse un puits suivi d’un crabotage – première foncée pour  l’ouverture d’une voûte de 200 m2. En 1844, une voûte est ouverte  aux Fresnais  et le procédé se généralise sur l’ensemble des exploitations : Hermitage, Monthibert, la Paperie, les Petits-Carreaux. A partir de la voûte, par gradins de trois à quatre mètres, le schiste est abattu au moyen de mines comme dans les carrières à ciel ouvert.

Plus on avance en  profondeur, plus les chambres d’exploitation deviennent de véritables cathédrales souterraines avec parfois des hauteurs sous voûte supérieures à cent mètres, d’où les dangers d’éboulements, point faible du procédé. Ce risque oblige à respecter une surveillance continue. Des ouvriers, appelés visiteurs empruntent des passerelles régulièrement afin de contrôler des boules de suif, témoins enfoncés dans les fentes du schiste, détectrices des signes précurseurs des mouvements de la pierre. Cette méthode d’exploitation présente de réels dangers.

Collection Jean Morlong.

Travaillant dans des chambres obscures, les fonceurs devenus mineurs ont pour s’éclairer des lampes à huile piquées sur leur chapeau de protection en cuir, de faible éclairage. La luminosité ambiante est alors renforcée par des lampes à pétrole fixées sous les voûtes et les parois des chambres d’exploitation. Cela ne permet toutefois pas aux ouvriers de travailler dans des conditions d’éclairage sécurisantes. En 1847, l’éclairage au gaz atténue l’obscurité dans les chambres d’exploitation. Cet éclairage au gaz est remplacé en 1878 dans quelques chambres par l’électricité aux Fresnais. Malgré les quelques progrès techniques et la vigilance constante vis-à-vis des risques d’éboulements, nombreux furent les accidents déplorés dans les exploitations souterraines sous voûte.

La principale cause des accidents provient de la nature du schiste souvent traversé par des délits, les érusses, qui s’ouvrent subitement en laissant tomber des masses de pierre plus ou moins imposantes, phénomène ayant lieu surtout dans la veine sud aux Fresnais. A ces dangers d’éboulements s’ajoutent les chutes de pierres tombées des bassicots dans leur remontée au-dessus des mineurs au travail, des ruptures de billons de conduite qui dirigent les bassicots, les chutes d’ouvriers dans les trains d’échelles installés pour la descente au travail ou lors de la remontée au jour en fin d’activité.

Aux Grands-Carreaux, les chambres d’exploitation des puits n°1 et n°2 sont séparées par un bardeau – séparation entre deux chambres d’exploitation – jugé insuffisamment épais par le Service des Mines au vu d’un risque d’éboulement. Ce qui était redouté se produisit le 5 janvier 1868 : trois mineurs travaillaient au fond du puits n°2 ; le bardeau s’effondra et provoqua un éboulement considérable de plus de 7000 m3 de pierres. Les corps des victimes restèrent enfouis sous une masse de schiste sans que l’on ne puisse les retirer, tant les difficultés d’extraction des ouvriers étaient insurmontables et le risque de provoquer un nouvel éboulement bien réel.

Tableau extrait de l’ouvrage Les ardoisières d’Angers de Furcy Soulez-Larivière publié à compte d’auteur.

Le 4 juin 1856, la rupture de la levée de la Loire à la Chapelle-sur-Loire entraîne les deux jours suivants la submersion des carrières et des puits des Petits et Grands- Carreaux, de l’Hermitage, de la Porée et du Buisson.

Aux Fresnais, le 14 décembre 1860, au fond du puits n°3 (de faible profondeur avec ses trente mètres), est à déplorer un effondrement de la paroi sud sur une longueur de vingt mètres. À la suite d’une bordée de mines, neuf ouvriers sont écrasés. Le 13 juillet 1887, toujours aux Fresnais, au puits n° 10, un éboulement provoque la mort de six mineurs.

Aux ardoisières de Trélazé, l’éboulement le plus lourd de conséquences en vies humaines s’est produit en 1889 à la Paperie, où treize mineurs périssent engloutis sous 20 000 m3 de rochers.

L’accident le plus grave en Anjou s’est produit à Misengrain à Noyant-la-Gravoyère. Le 15 novembre 1888, l’effondrement de la voûte d’un puits provoque la mort de dix-huit mineurs, dix-sept sont restés engloutis au fond du puits.

Face à ces nombreux accidents, les exploitants ont été mis en demeure par le Service des Mines d’améliorer la sécurité dans l’approfondissement de leurs exploitations. Ils ont été contraints de se soumettre à un contrôle plus strict par ce Service. Il a été mis fin à cette méthode d’exploitation des puits Bouteilles en 1901.

Exploitation souterraine par gradins renversés

En 1850, l’idée d’un nouveau mode d’exploitation est lancée par un Garde des Mines, monsieur ORLOWSKY. En 1851, l’ingénieur en chef du Service des Mines à Angers adresse une lettre à Aimé BLAVIER, polytechnicien, ingénieur des Mines et président de la Commission des Ardoisières dans laquelle est suggérée une exploitation du gisement conduite de bas en haut. Aimé BLAVIER met au point un nouveau mode d’exploitation reposant uniquement sur l’abattage du schiste par gradins renversés.

En 1878, aux Grands-Carreaux est creusé un puits, le n°3, à la profondeur de cent soixante-quinze mètres, au fond du duquel on aménage une chambre. On exécute un crabotage suivi de l’ouverture d’une galerie où sont aménagées des chambres d’extraction à travers bancs sur des hauteurs de bancs de 6 mètres. L’avantage de cette de cette méthode est que les déchets de schiste, appelés bourriers, restent au fond de la chambre, servant de remblayage.

Collection Jean Morlong.

Successivement, l’exploitation se fait en remontant, en creusant des galeries. Avec la multiplication des niveaux d’exploitation, la hauteur des chambres s’est réduite à quatre mètres. C’est ainsi que l’on peut desservir par une même collectrice – galerie – trois niveaux inférieurs, un niveau de plain-pied et trois niveaux supérieurs.

L’exploitation d’une chambre débute par le forage d’une foncée tout le long du plafond de la paroi ouest de la chambre suivant le sens d’abattage du schiste. Cette foncée a une largeur moyenne d’1,20 mètre : elle a pour but de créer un fond de taille du banc

Pour l’abattage de la pierre, on réalise, à l’aide de perforatrices à la partie supérieure du gradin, une série de quatre-vingts à cent trous de mines d’une profondeur de deux à trois mètres et on les remplit de poudre noire, qui est un détonnant qui génère une onde choc suivie d’un effet de souffle assez important grâce au volume de gaz dégagé.

Collection Jean Morlong.

L’abattage d’un banc de pierre de quarante mètres de long sur 3,60 mètres de hauteur et 3 mètres de profondeur soit un volume de 432 m3 de schiste, représente une masse de 1230 tonnes de pierre.

Pour réaliser la foncée et aussi le fond de taille du banc, les mineurs travaillent sur des ponts volants accrochés à des anneaux en acier scellés dans la voûte.

Le schiste abattu est ensuite débité en pièces de dimensions variables susceptibles d’être remontées par la machine d’extraction. L’enlèvement et la manœuvre des pièces se font à l’aide de treuils électriques qui ont remplacé les treuils à main. Selon le poids et la dimension des pièces, elles sont chargées soit sur des trucks, petits wagonnets plats appelés dans le jargon ardoisier crapauds, ou dans des bassicots. Ensuite les chargements de pierre sont dirigés sur des rails vers la recette inférieure, au pied du puits, pour être remontés à la surface.

Collection Jean Morlong.

Les bordées de mines sont tirées le soir à 21 heures, fin du travail pour les équipes de mineurs dites de nuit. Chaque  matin avant la reprise du travail des l’équipes de jour, est sondée la voûte afin de se rendre compte si à la suite du tir de mines de la veille au soir il ne reste pas du schiste ébranlé et non tombé pouvant se détacher de la voûte et provoquer un accident.

Le sondage est réalisé par un mineur appelé décalabreur. Muni d’une barre d’acier il sonde  la voûte. Selon la résonance, il se rend compte si il existe un danger d’éboulement. Le décalabreur est assisté d’un compagnon de travail pour sa sécurité et pour lui apporter une aide pour décrocher le bloc qui présente un danger.

Collection Jean Morlong.

L’usage des perforatrices lors du percement des trous de mines, les explosions des tirs de mines provoquent un dégagement de poussière. Malgré l’aspiration qui est faite, de la poussière demeure, son inhalation a été la cause chez les mineurs ardoisiers d’une grave maladie : la schistose assimilable à la silicose. Cette maladie transforme et détruit peu à peu les poumons des hommes. L’espérance de vie d’un mineur ne dépassait guère soixante ans. Peu de mineurs ont été épargnés.

Il fut admis qu’ils prennent leur retraite à cinquante ans. Vers 1950, des perforatrices à injection d’eau sont mises en service, ce qui a réduit la projection de poussières.

Les ouvriers d’a-bas ont toujours travaillé dans des conditions pénibles, exposés aux risques d’éboulements, de déplacements sur un sol chaotique, d’un faible éclairage, d’une atmosphère humide et poussiéreuse.

L’évolution des techniques dans les exploitations souterraines

Au début de l’exploitation souterraine, les lampes à huile étaient insuffisantes pour contrer l’obscurité régnante. En 1847, l’éclairage au gaz, produit par deux usines à gaz, une aux Grands-Carreaux, l’autre aux Fresnais, assuraient l’éclairage de nombreuses chambres.

L’usine électrique des Grands Carreaux. Collection Jean Morlong.

Mais l’éclairage électrique naissant est reconnu plus efficace : une étude est faite en 1863 sans résultat, dépense jugée trop onéreuse. En 1878, la question est reprise et on installe aux Fresnais des machines Gramme actionnées par la vapeur permettant de desservir des lampes à arc. En 1882 deux usines électriques sont construites l’une aux Grands-Carreaux, l’autre aux Fresnais. Les marteaux perforateurs manuels sont également remplacés par des perforatrices fonctionnant à l’électricité,  pour être progressivement remplacés à leur tour par l’air comprimé. Vers 1950, des perforatrices avec injection d’eau sont mises en service, matériel qui a réduit la projection de poussière.

Au fond comme au jour, le roulage mécanique s’est organisé avec des voies d’une largeur 0,60 mètre. En 1909 est dressé le premier chevalement métallique à la Grand Maison. En 1910, les usines électriques s’avèrent insuffisantes et l’ensemble des activités de l’entreprise est raccordé au réseau S.D.E.O. 

Modernisation du matériel minier durant les années 1980-2013

Le puits n°25 ouvert en 1942 et fermé en 2010. L’usine électrique des Grands Carreaux. Collection Jean Morlong.

Les exploitations souterraines en activité durant les années 1980-2013 sont modernisées avec la mécanisation d’un  matériel minier moderne. Ont bénéficié de cette modernisation le puits n°25 et la descenderie aux Fresnais et surtout le puits n°7 à Monthibert.

L’ouverture du puits n°7 de Monthibert a débuté en 1947 à une profondeur de 525 mètres. A l’origine, ce puits comportait un chevalement différent à celui représenté sur la photographie, érigé en 1976.

L’usine électrique des Grands Carreaux. Archives du Musée de l’Ardoise. Trélazé.

La machine d’extraction comporte deux moteurs électriques de 500 CV qui assurent la descente ou la remontée de la pierre ou du personnel dans une cage à plusieurs étages. L’exploitation des galeries souterraines de ce puits est mise en sommeil en 1992 lors de l’ouverture de la carrière Napoléon et remise en activité lors de l’abandon de ce projet d’exploitation dont l’objectif était de mettre fin à l’exploitation souterraine.   

L’engagement des blocs de schiste chargés sur un crapaud sont introduits automatiquement dans la cage ainsi que leur sortie à la recette du jour. La machine d’extraction est en mesure de remonter dix tonnes de schiste à une vitesse de dix mètres par seconde.

Faute de pierre exploitable, le 25 novembre 2013, la Direction des Ardoisières d’Angers appartenant au Groupe IMERYS a annoncé la fermeture des Ardoisières et ce, malgré l’opposition du personnel et d’une partie de la population locale. Durant une dizaine d’années, des recherches ont été effectuées pour l’éventuelle découverte de gisements de schiste exploitable. 

Dans le puits n°7 de Monthibert ont été entrepris des travaux de recherche, sondages et carottages dans une galerie de trois kilomètres aboutissant dans le quartier de la Daguenière, où on serait en présence de schiste de bonne qualité à une profondeur de 750 mètres. 

Pour exploiter ce schiste, il faudrait faire des investissements stratégiques importants n’assurant une rentabilité de l’exploitation qu’au bout de vingt ans.

Les actionnaires de la société IMERYS n’ont pas voulu s’engager dans une telle entreprise.

La Confédération Générale du Travail (CGT) a vivement contesté cette décision et indiqué que cinq sondages auraient montré qu’en veine sud, à 250 mètres de profondeur, il y aurait une pierre de qualité exploitable. Toujours pour le syndicat, d’autres sites auraient de la bonne pierre comme au 8 bis de l’Hermitage et du côté du bourg de Trélazé.

Suite à une demande conjointe formulée par l’Agglomération d’Angers, la Ville de Trélazé, le Conseil régional des Pays de la Loire, la Préfecture de Maine-et-Loire, appuyée par les syndicats et acceptée par l’entreprise, une étude est confiée au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Dans ses conclusions, le comité de pilotage réuni à la préfecture d’Angers et constitué de techniciens du BRGM déclare qu’ils ne disposent d’aucun élément permettant de remettre en cause le raisonnement et les conclusions ayant conduit l’exploitant à décider l’arrêt de son activité d’extraction, de production et de commercialisation d’ardoises naturelles sur son site de Trélazé. 

L’étude statue que dans l’état actuel de la connaissance des réserves prouvées et probables, aucun quartier ardoisier n’offre la qualité, la quantité et la rentabilité requises pour être exploité. A la Daguenière, il y aurait un banc présentant environ 280 00 tonnes de pierre pouvant avoir la qualité nécessaire. C’est insuffisant pour ouvrir une descenderie et son développement ne garantit pas la rentabilité de l’exploitation.

La nature ne peut donner que ce qu’elle possède, était-elle mesure de continuer de fournir un schiste de bonne qualité, exploité durant plus de six siècles à Trélazé ?

Références bibliographiques

  • Les faiseurs d’ardoises par Jacques Thomé et une équipe d’enseignants.
  • Les mots des mines et des carrières par Gérard Lindn.             
  • A propos des ardoisières de l’Anjou par Jean-Pierre Drevet.
  • Les Archives Départementales de Maine-et-Loire.
  • Des extraits d’articles du Courrier de l’Ouest et de Ouest France. Des témoignages d’anciens ardoisiers.

Remerciements : Nous remercions le Musée de l’Ardoise de Trélazé et son président Alain Roger pour leur coopération et le prêt de documents.

Article de Jean Morlong

Jean Morlong est président d’honneur de l’AMOPA de Maine-et-Loire et commandeur dans l’ordre des Palmes académiques. Proviseur honoraire, il est notamment connu pour ses conférences sur les ardoisières et ses visites du site ardoisier de Trélazé.

Site AMOPA 49 : https://amopa49.fr/